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Interview avec Fabrice du Welz - Octobre 2008

Fabrice du Welz - Octobre 2008


Après "CALVAIRE", premier essai concluant d'un cinéaste de talent, Fabrice Du Welz nous revient avec son deuxième long métrage : "VINYAN". Film à la fois sensoriel, réaliste et fantastique le réalisateur nous montre qu'il est un maître en devenir du cinéma de genre franco-belge. C'est assez rare pour le souligner et ça valait bien une interview sur notre site.
Sympa, Fabrice Du Welz a répondu généreusement et copieusement à nos questions.
Enjoy.
Oh My Gore ! : "Bonjour. Pourrais-tu te présenter aux lecteurs d'Oh My Gore ! qui ne te connaissent pas encore?"

Fabrice du Welz : Je m'appelle Fabrice, j'ai réalisé un court métrage et deux longs métrages "CALVAIRE" et "VINYAN".

Oh My Gore ! : "Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur toi? Pourquoi, quand et comment ta carrière s'est-elle orientée vers le cinéma ?"

F.D.W. : Depuis que je suis jeune adolescent, j'ai eu l'envie profonde de faire du cinéma. J'ai fait des études de théâtre, ce qui quelque part a nourri la schizophrénie que l'on retrouve un peu dans mes films. La journée, j'étudiais les auteurs classiques et le soir je regardais des films d'horreur déviants.

Oh My Gore ! : "Quels sont les films et/ou les réalisateurs qui t'ont influencé?"

F.D.W. : J'ai tellement de films et de réalisateurs que j'aime, qu'il m'est difficile de répondre. J'aime tous les cinémas. Je ne fais pas de hiérarchie suivant les genres. Les réalisateurs qui me font le plus rêver aujourd'hui sont ceux des années du second âge d'or du cinéma hollywoodien, j'aime passionnément des réalisateurs comme William Friedkin, Sidney Lumet, Sam Peckinpah, ou encore Werner Herzog. En même temps, je ne peux pas non plus oublier les réalisateurs italiens, anglais, japonais ou encore espagnols qui m'ont fait découvrir beaucoup de choses.

Oh My Gore ! : "Avant de revenir sur "CALVAIRE", parlons un peu de ton court "QUAND ON EST AMOUREUX, C'EST MERVEILLEUX" où l'on retrouve déjà Jackie Berroyer au générique. Doit-on voir avec ce court un pré "CALVAIRE" ? Avais-tu déjà en tête le long métrage quand tu as commencé l'écriture avec Romain Protat ?"

F.D.W. : En fait non. Le court métrage s'est fait dans une espèce d'urgence et d'inconscience. J'avais écrit une petite histoire d'une vielle fille qui gardait son streaptiseur mort chez elle. A ce moment là, je travaillais à la télévision avec Benoît Debie (chef opérateur sur "VINYAN" et "CALVAIRE" NDLR) et il a accepté de faire mon court. On ne savait pas très bien ce que l'on faisait, on a un peu expérimenté.
J'ai été surpris de la manière dont on travaillait tous les deux avec Benoît, de l'exigence de travail qui s'était installée.
Faire ce court métrage c'est ce qui a déclanché mon appétit pour la fabrication de films.

Oh My Gore ! : ""CALVAIRE" a été ton premier long métrage. Quelles étaient tes attentes ? Comment est né le projet ?"

F.D.W. : Après "QUAND ON EST AMOUREUX, C'EST MERVEILLEUX", j'ai eu l'envie de faire un long. J'ai écrit assez facilement le scénario de "CALVAIRE" avec Romain Protat. C'était le financement qui fut laborieux. J'avais miraculeusement reçu de l'argent de la Communauté Française de Belgique et en France, mon producteur actuel, Michael Gentile s'est démené pour trouver et terminer le financement du film. Quand je fais mes films, je ne pense pas aux succès qu'ils pourraient avoir auprès des critiques, des festivals ou du public. C'est la « fabrication » du métrage qui m'importe.

Oh My Gore ! : "Même s'il n'a pas très bien fonctionné, "CALVAIRE" est quand même devenu une petite référence, t'attendais-tu à un tel "succès" ?

F.D.W. : Le succès -très relatif- de "CALVAIRE" est venu avec le temps. Je me souviens qu'à l'époque de sa sortie, le film avait divisé l'opinion à cause peut-être de son côté « arty » et surtout parce qu'il n'y avait pas encore eu ce courant de films d'horreur comme on a aujourd'hui en France.
Je ne m'attendais pas au succès « relatif » de "CALVAIRE" en France et en Belgique. Il a aussi bien marché à l'étranger. Aujourd'hui c'est étonnant, quand je me ballade un peu partout dans le monde, on me parle de "CALVAIRE".

Oh My Gore ! : "J'ai lu dans une interview que tu disais "Très honnêtement, "CALVAIRE" est aujourd'hui loin derrière moi. Le simple fait de l'évoquer m'est pénible. Désolé". Pour quelles raisons est-ce si pénible pour toi ?

F.D.W. : Quand on vit avec un film pendant 3 ou 4 ans, à un moment donné, on est viscéralement « saoulé » par son propre film.
Il m'est pénible de revenir en arrière. Une fois mes films tournés, ils appartiennent au public. Il m'est impossible d'être nostalgique de mes propres films. Il faut que je sois dans le prochain projet et non dans le précédent.

Oh My Gore ! : "Comment est né le script de "VINYAN" ?"

F.D.W. :Au départ, j'avais eu très envie de faire un remake du film "LES REVOLTES DE L'AN 2000" de Narciso Ibanez Serrador mais pour des raisons de droits, je n'ai pas pu concrétiser le projet. Le temps a passé, et je voulais toujours travailler sur le concept d'une communauté d'enfants monstrueux. Quand le Tsunami est arrivé, j'ai vu la possibilité d'introduire dans mon film une métaphore sur le deuil dans un climat post-apocalyptique.

Oh My Gore ! : "Comment s'est déroulé le tournage de "VINYAN" ?"

F.D.W. : Le métrage a été difficile à tourner car nous n'avions pas vraiment les moyens de nos ambitions. Ce fut physiquement très dur, on a dû supporter entre autre les violentes marées qui, en deux heures, pouvaient tout inonder.
On s'est plutôt bien amusés. Ce fut une expérience de vie assez étonnante.

Oh My Gore ! : "Avais-tu des thaïlandais dans votre équipe ? "

F.D.W. : Oui, nous étions 6 franco-belges et le reste de l'équipe était thaïlandaise. C'était du délire car le staff thaïlandais était composé de 200 personnes.

Oh My Gore ! : "Tu as travaillé avec Emmanuelle Béart et Rufus Sewell, comment les as-tu convaincus de rejoindre le projet ? "

F.D.W. : On a cherché des acteurs en Angleterre. Pour Rufus ce fut assez simple, mais je ne voulais pas me prononcer pour un choix d'acteur masculin avant d'avoir trouvé l'actrice principale. Ca traînait car le système anglais n'est pas le même que celui en France dans le sens où on ne peut pas envoyer son scénario à plusieurs acteurs en même temps pour le même rôle. Il faut attendre que l'acteur vous réponde. Comme on devait débuter le tournage assez rapidement, mon producteur m'a proposé d'ouvrir le casting sur la France. Il se trouve qu'Emmanuelle Béart avait vu "CALVAIRE", l'avait aimé et m'a demandé de me rencontrer. Je l'ai rencontrée et il y a eu comme une évidence entre nous.
Emmanuelle a beaucoup donné sur le tournage. Des que j'ai eu leur confiance à Emmanuelle et Rufus, j'ai pu les emmener très très loin.

Oh My Gore ! : " Ton film embrasse le thème de l'enfance, qu'est ce que cela t'évoque, toi qui est père de famille ?"

F.D.W. : Le thème de l'enfance n'est pas central dans mon film.
"VINYAN" est un film que j'ai voulu transgressif, un peu dans l'esprit des films des années 70. Mon métrage est une métaphore sur le deuil et la dissonance d'un couple qui meurt car il a perdu un enfant. En même temps, c'est une quête d'amour d'une mère qui a cru reconnaître son enfant de l'autre côté d'un miroir et qui va tout faire pour pénétrer le monde des morts pour aller le rechercher. En chemin, elle va oublier que son enfant est « un » et va faire le voyage vers l' « l'enfant multiple ». Mon film est construit de manière réaliste au début puis glisse dans un environnement complètement fantastique voir fantasmagorique. De mon point de vue, la dernière partie du film n'est que la représentation, physique, organique, quasi sexuelle des fantasmes et des obsessions du couple.
Au-delà d'une métaphore, "VINYAN" est aussi au film de fantômes dans lequel ce sont les vivants qui pénètrent le monde des morts, contrairement aux films de fantômes japonais, où généralement ce sont les morts qui pénètrent le monde des vivants.
Le public est parfois décontenancé car le traitement de mon film est réaliste.

Oh My Gore ! : "Tu n'as pas peur de provoquer des réactions négatives en proposant un sujet aussi douloureux et récent que le tsunami ?"

F.D.W. : Avant la première du film Venise, un papier du Times anglais a relayé les propos de l'association « Tsunami Support Uk » qui s'indignait du fait qu'un film ayant pour base la catastrophe du Tsunami soit projeté au festival. Quand je suis arrivé à Venise, les gens ne m'ont parlé que de la catastrophe.
Je suis un cinéaste, je suis un raconteur d'histoires, le Tsunami n'est jamais instrumentalisé dans mon film. Il est juste le point de départ de mon histoire.

Oh My Gore ! : "Des petites anecdotes de tournage à nous raconter?"

F.D.W. : J'en ai plein des anecdotes. Par exemple, quand on arrivait sur les plateaux le matin, on bénissait les lieux de tournage car les thaïlandais sont très croyants. Comme on traitait le film de manière très réaliste, ça faisait paniquer les thaïs. Je me souviens du tournage d'un plan où en arrière plan, il y avait la silhouette d'un technicien, j'ai fait arrêté la prise en disant « il y a quelqu'un derrière ». Mais après dans l'équipe il y eu un bruit qui circulait comme quoi il n'y avait personne.

Oh My Gore ! : "Quelle expérience tires-tu du film. Quelles sont tes attentes désormais ?"

F.D.W. : Je me dis : « vivement la suite, vivement que je termine la promo afin d'enchaîner sur autre chose ».

J'ai le sentiment d'avoir fait le film que je voulais faire. J'aimerais maintenant qu'il marche un peu.

Oh My Gore ! : "Où en est le projet de ton adaptation de "L'ILE AUX TRENTE CERCUEILS" ?"

F.D.W. : Le script est terminé. Mais c'est un projet qui va coûter cher, donc il faudra peut-être que je fasse un autre film avant de pouvoir monter celui-là. Tout reste possible...

Oh My Gore ! : "Quelle est ton opinion à propos du cinéma français et belge ?"

F.D.W. : J'ai peu d'avis concernant le cinéma français en général. C'est un cinéma qui ne m'intéresse pas beaucoup. Ni dans les thématiques qu'il développe, ni dans la forme qu'il propose. Pour le cinéma belge c'est un peu la même chose... Ceci dit, je reste attaché a quelques réalisateurs qui tentent coûte que coûte de faire du « cinéma »...

Oh My Gore ! : "Que penses-tu de cette vague de remakes/séquelles/préquelles qui déferlent depuis des années ?"

F.D.W. : C'est souvent lamentable. On vide la substance transgressive de tous les grands films d'horreur d'exploitation des années 70 et 80 et on nous les ressert inoffensifs et débilisants.
En même temps ce phénomène de remakes/séquelles/préquelles n'est pas quelque chose de nouveau. Hollywood a toujours fait ça.

Oh My Gore ! : "Quel film aurais-tu aimé ou aimerais-tu réaliser ?"

F.D.W. : J'aurais adoré réaliser l'adaptation du roman de Cormac McCarthy : "THE ROAD". Hélas, le film, réalisé par John Hillcoat, est en post-production.

Oh My Gore ! : "Avec quel acteur aurais-tu aimé ou aimerais-tu tourner ?"

F.D.W. : Ce serait Naomi Watts ("FUNNY GAMES U.S. ", "KING KONG" ndlr). C'est une actrice absolument démentielle que j'aime beaucoup.

Oh My Gore ! : "Que penses-tu d'Oh My Gore ! ?"

F.D.W. : Le site est sympa et complet. J'y ai lu quelques interviews...Longue vie au site.

Oh My Gore ! : "Merci énormément pour cette interview, je te laisse le mot de la fin."

F.D.W. : Allez voir "VINYAN".


Un grand merci à Gaetan Cala (killg) pour avoir mené à bien cette interview.
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killgkillg - 26/10/2008 à 19:15
# 2

Merci à Fabrice et merci à toi J-M de m'avoir permis de mener à bien cette interview.

Oh My Gore !Oh My Gore ! - 26/10/2008 à 18:38
# 1

Très bonne interview ! Merci encore Gaetan ! et merci Fabrice ! :)

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