Qui, dans la littérature fantastique, ne connaît pas Clive Barker ? Ce principal rival de Stephen King fut un beau jour las des adaptations de ses romans qu'exécutaient laborieusement divers tâcherons et décida lui-même de passer derrière la caméra, signant une uvre culte du cinéma horrifique, doublée d'un fascinant regard sur le masochisme:
Hellraiser. Les années ont passé et ce film, en dépit du fait qu'il soit sensiblement ancré dans son époque, n'a rien perdu du potentiel d'angoisse et de fun qui fut sans doute la clé de son succès. En réalité plus proche d'une brillante série B que d'un véritable chef-d'uvre,
Hellraiser se regarde à la manière d'un excellent pop-corn movie, mis en scène avec style et efficacité par un romancier dont le statut de cinéaste va comme un gant.
Le récit démarre à l'image d'un film dépouvante de facture assez classique un couple emménage dans une vieille maison autrefois habitée par le frère du mari, lequel hante désormais les lieux tel un fantôme et se régénérera grâce à des gouttes de sang répandues sur le plancher , mais le savoir-faire de Clive Barker en ce qui consiste à instaurer une ambiance oppressante et laisser planer le mystère rend
Hellraiser captivant dès les premières minutes. L'écrivain/réalisateur opte pour des mouvements de caméra et un score musical relativement sobres, préférant mettre l'accent sur la dimension thématique davantage que formelle de son uvre.
Hellraiser bénéficie en effet d'une surprenante histoire qui mêle « chamboulement universel » (une boîte au mécanisme sophistiqué représente la porte séparant notre monde et celui des cénobites, créatures maléfiques adeptes de sadomasochisme) et plaisir de la douleur. Barker a cependant la bonne idée de faire tourner tout cela à la sauce fantaisiste, à grand renfort de métamorphoses délirantes, de monstres extravagants et autres effets grand-guignolesques des plus jouissifs malgré la faiblesse du budget, les trucages réalisés par Bob Keen se révèlent formidables d'inventivité et la plupart du temps très convaincants. Ce qu'il y a d'intéressant dans
Hellraiser, c'est qu'il fait preuve d'un second degré permanent tout en persistant sur le terrain de l'horreur sombre et morbide. Le ton de l'intrigue et les interprètes gardent au mieux leur sérieux tandis que défilent à l'écran scènes sanglantes, tortures sadiques et créatures foutraques. Loin de faire sombrer le film dans le grotesque et l'indigeste, cette alliance entre épouvante malsaine et humour noir fonctionne parfaitement, preuve que Clive Barker maîtrise son sujet. Bien sûr, l'ensemble accuse quelques maladresses au niveau du casting, composé d'acteurs de seconde zone sans talent particulier, et de certains dialogues ou certaines situations peu crédibles, rappelant que nous demeurons dans le domaine de la série B horrifique, mais rien qui ne puisse véritablement altérer le plaisir éprouvé au visionnage de l'uvre.
Très bon film d'horreur des années quatre-vingt,
Hellraiser tire sa force d'un scénario attrayant, d'une ambiance réussie et d'effets spéciaux gratinés, en démontrant par la même occasion que l'on peut tout à fait passer de l'échelon d'écrivain à celui de réalisateur dans son propre registre (chose que Stephen King semble avoir ratée avec son
Maximum Overdrive). Un classique du genre qui fait toujours mouche à l'heure actuelle.
8/10
