par BRUNO MATEI » 17 Mars 2011, 12:51
Romano Scavolini est un réalisateur peu renommé et méconnu du public français, exception faite avec une série B que le citoyen transi des années 80 se sera empressé de louer au vidéo du coin, affolé par sa jaquette sanguinolente alléchante, dégoulinant un sang velouté afin de former l'image picturale d'un visage apeuré.
Une oeuvre déviante et extrême venue de nulle part dépassant les frontières de la bienséance, fustigée par la censure pour être furtivement cataloguée en Angleterre dans la célèbre rubrique des video nasties.
La France accorde pour une fois le bénéfice d'un titre plus probant que son modèle, Cauchemars à Daytona Beach.
Suite à un internement de longue durée en asile psychiatrique, un tueur reconnu schizophrène est relâché dans la nature après lui avoir administré un nouveau traitement médical expérimental.
L'addiction de sa folie meurtrière totalement incontrôlée ne va pas tarder à se manifester...
Dès le préambule sidérant de terreur authentifiée, nous sommes frappés et saisis d'effroi face à une pure scène de cauchemar éveillé !
Dans une chambre opaque, un homme allongé sur un lit, suintant la transpiration blême se met à convulser faute à un sommeil perturbé et frénétique. Tout à coup, réveillé de son maudit délire fantasmé, il se somme d'ouvrir les yeux, empoignant violemment ses draps maculés de sueur froide pour s'apercevoir qu'au bout de son lit se trouve la tête tranchée ensanglantée d'une jeune femme inerte !
Soudainement, les yeux noirs de la dame décapitée vont s'entrouvrir pour exacerber la vision morbide d'un regard vide de terreur blafarde !
Hurlements saisis en gros plan de l'homme tétanisé de frayeur avec en parallèle cette conception horrible de plans récurrents et concis d'une tête sectionnée dans un effet brut de vrombissements sonores assourdissants, résonnant tel un tambour désordonné venu de l'enfer ! Une manière abrupte à mieux nous immerger dans le psyché du malheureux aliéné !
Mais toute cette séquence horrifiante auquel nous venons d'assister n'était qu'un leurre, un songe cauchemardesque matérialisé par le génie de la réalisation technique !
Ce moment anthologique introductif révélant rapidement que nous sommes dans l'enceinte d'un centre psychiatrique parmi la présence d'un malade mental installé de force sur une chaise, les mains ligotées par camisole, alors qu'il était entrain de revivre et subir une énième fois un cauchemar obsessionnel dans l'antre de la folie !
La suite narrative oriente ensuite notre protagoniste en liberté surveillée et sous contrôle médical vers ses déambulations nocturnes en pleine cité urbaine. Dans l'affre de la ville ténébreuse de Daytona, sombrement photographiée sous une atmosphère sordide à travers les endroits putanesques de peeps-show malfamés ou autres bars miteux grouillant de quidams pervertis. C'est dans cet univers suffoquant et malsain que notre protagoniste maladif, Georges Tatum, souhaite se divertir de prime abord.
Après cet interlude au climat inquiétant palpable arrive le premier meurtre gratuit à l'italienne !!! Transalpin pour l'origine natale du réalisateur mais aussi et surtout pour sa teneur craspec bien gorasse, de manière à mettre en exergue les plaies sanguinolentes filmées complaisamment en gros plan afin de mieux ébranler et titiller notre voyeurisme complice. Les maquillages chevronnés à la limite de la perfection, concoctés par Mr Ed French sont véritablement percutants et d'un réalisme persuasif.
En intermittence, le réalisateur va nous rappeler également le décompte des jours restants, inscrit en fondu au noir de notre téléviseur, des agissements de notre tueur jusqu'à cette ultime nuit annoncée. De manière à appréhender l'acte final et de façon à maintenir constamment l'intérêt du spectateur auquel une certaine tension s'accentuera en crescendo.
C'est ensuite que le récit prend une tournure différente, plus posée et linéaire avec la rencontre d'une famille ordinaire mis à part que leur fils adolescent semble à peine dérangé dans l'investissement de ses farces macabres qu'il invente et accumule régulièrement pour effrayer son cocon parental.
Georges Tatum qui n'est jamais trop loin surveille paradoxalement de près cette demeure et ses occupants jusqu'au jour ou il décide d'y pénétrer par effraction (nous ne connaîtrons ces véritables motivations d'importuner cette famille qu'à la toute fin du métrage, oh combien anthologique dans sa boucherie inouïe et son effet de surprise qui s'ensuit). Alors qu'un nouveau meurtre (réalisé hors champ cette fois-ci !) va être découvert non loin de cette maison emménagée.
Cette seconde partie du métrage réalisée de façon conventionnelle se déroule sans surprise mais reste assez efficacement conduite et surtout elle est à nouveau rehaussée d'une bonne petite ambiance poisseuse sous-jacente.
Il est un peu dommageable que l'interprétation limitée et les dialogues assez pauvres viennent futilement ternir l'ensemble de l'oeuvre, ses deux points faibles les plus répréhensibles à mon goût. Mais louablement, tous les comédiens ne sont pas à dénigrer, surtout en ce qui concerne la prestation du tueur incarné par l'inconnu Baird Stafford. Avec son physique charismatique au regard de dément aliéné totalement tributaire de pulsions meurtrières incontrôlées, il se sort adroitement d'un jeu patibulaire prégnant dans ces saisissants accès de folie démesurée octroyés aux crises de panique avant l'attaque incisive redoutée.
Il y a aussi ce fameux flash-back interposé à la toute dernière partie du carnage annoncé avec ce garçonnet juvénile campant avec beaucoup de vérité dérangée le caractère ambigu d'un rôle torturé dans son enfance meurtrie traumatisée. Sa prestance impressionne durablement l'esprit dans son comportement lamenté qu'il dégage avec force rugueuse face à l'évènement crapuleux qu'il vient de commettre de manière putassière. Un regard lourd sinistré, vide de sens, terrifiant dans sa lamentation et donc non éludé d'un sentiment de tristesse empathique accordé au spectateur pour cet enfant égaré au beau milieu d'une marre de sang. Sans nul doute la meilleure séquence du film à l'impact psychologique effrayant et foudroyant.
C'est cette ultime dernière partie nauséeuse culminant dans un long bain de sang qui va profondément et durablement marquer le spectateur à jamais.
Un florilège de séquences gore ultimes, extrêmes, rarement vues sur un écran de cinéma, mis en scène avec une belle acuité dans son intensité vouée à la cruauté poisseuse, voir vomitive et auréolée des FX du maître Ed French en pleine apogée.
L'atmosphère est rendue si souillée que les victimes moribondes accomplissent ici de drôles de râles pendant le supplice de l'arme plantée dans la chair sans oublier l'interminable agonie du meurtrier lui-même transpercé de balles de revolver dans l'estomac par l'un des garçonnets de la famille, littéralement entrain de suffoquer et s'étrangler avec son propre sang remontant à la gorge. Une scène langoureuse d'une mort interminable plutôt dérangeante, du fait aussi que ce soit un enfant innocent malgré lui, habité par l'emprise diabolique pour accomplir le crime éhonté !
Alors que la révélation finale clôturant le cauchemar d'une métropole en alerte va remettre le couvert dans un revirement perturbant avec ce regard glacial d'enfant mesquin témoignant avec complicité vers le spectateur un petit sourire perfide.
IL TORTURE, IL TUE, IL SOUILLE !!!
Attribué d'une lancinante partition musicale inquiétante variant la mélodie pastel, sourde et pesante et d'une bande son stridante inflexible, Cauchemar à Daytona Beach est aujourd'hui devenu un vrai classique du gore qui tache de ces glorieuses eighties. Une forme de quintessence du putride qui a fait date depuis et qui reste réellement impressionnant aujourd'hui dans son environnement poisseux tangible appuyé par ses effets gores cinglants tétanisant de verdeur.
Malgré ses défauts d'une mise en scène technique peu élaborée, la maladresse des seconds rôles de comédiens neutres et effacés et une narration sommairement établie, le film de Romano Scavolini est un pavé dans la marre des films d'horreur maladifs et subversifs, englués dans une transgression racoleuse pour contenter l'amateur pervers soucieux de l'effet choc révulsif explicitement requis.
19/01/10. 4
Critique totalement remaniée le 17.03.11.
