par Sir Gore » 12 Août 2006, 10:42
Produit pour la télévision, ce film mis en scène par le peu connu Mario Bianchi, spécialiste du direct-to-video, et supervisé par le grand Lucio Fulci fait preuve d'un intérêt tout à fait inattendu. Dès les premières minutes, l'on se retrouve plongé dans une atmosphère troublante et incertaine, née des scènes de crises de folie de la tante Martha, qui ne sont en fait que les flash-back du père de famille durant le trajet en voiture permettant à ce dernier, sa femme et ses enfants de passer un séjour chez la sur de sa mère, autrefois internée dans un hôpital psychiatrique et dont il garde quelques vagues souvenirs. En effet, Martha a écrit à Thomas, son neveu qu'elle n'a plus revu depuis l'enfance de celui-ci, afin de l'inviter dans sa belle demeure de campagne lui et son petit foyer. D'emblée donc, en parallèle avec ce script de départ, l'étonnement et l'incertitude planent, en particulier chez la mère, qui trouve l'histoire de la tante Martha et ces retrouvailles impromptues pour le moins curieuses. Ils parviennent à la maison de la vieille dame, où le maître de maison les reçoit avec le meilleur sens de l'accueil, tout en leur expliquant que Martha ne reviendra que le lendemain. La nuit passée, à l'arrivée du matin, l'on apprend par le domestique que la tante ne pourra se manifester que le jour suivant, à la grande surprise de la petite famille qui s'est déjà installée dans son domaine. Progressivement, l'angoisse s'installe et le mystère se fait de plus en plus lourd, pesant. Les cinquante premières minutes de The Murder Secret misent pour ainsi dire tout sur le suspense, la tension psychologique et les fausses alertes; mais loin d'ennuyer, le film ménage à merveille les éléments cités plus haut et suscite une profonde inquiétude, avant de basculer dans le Gore paroxystique de but en blanc. Deux séquences de meurtre d'une sordidité impensable viennent chambouler le récit: alors que la mère a décidé de partir en ville afin de faire un peu de shopping et Thomas, immergé dans l'incompréhension, d'aller questionner le maître de maison, leur jeune et peu farouche fille se fait lacérer à gros coups de couteau dans la douche, assassinat mis en image de façon absolument atroce et des plus sanguinolentes, la demoiselle se faisant littéralement saigner comme une vulgaire truie jusqu'à succomber aux mutilations provoquées par les coups de surin; à peine quelques instants plus tard, le garçonnet de huit ans est surpris dans la maison par une tronçonneuse qui le décapite net en gros plan. Sans le moindre doute l'une des scènes Gore les plus trash de l'histoire du cinéma, malgré des trucages un peu grossiers. À ce stade-là, la violence graphique d'uvres comme L'Enfer des Zombies ou même L'Au-Delà apparaît bien inoffensive en comparaison, difficile de l'imaginer, or c'est la vérité. The Murder Secret attend près d'une heure avant de virer à la boucherie, mais il dépasse toutes les craintes ou espérances - tout est relatif suivant les principes du spectateur - que l'on pouvait attendre dans ce domaine. Pire encore que Fulci et son Soupçons de Mort, c'est ici à une cruauté Gore lorgnant vers l'inadmissible que l'on assiste, et les mots ne sont pas exagérés, on en ressort sincèrement éprouvé même cent fois blasé par les atrocités fictionnelles. Mais revenons-en à lhistoire en elle-même: à la suite de ce double-meurtre abominable perpétré par des mains gantées et inconnues, la mère rentre des courses et ne retrouve pas ses bambins dans la maison de la tante Martha. C'est à partir de ce moment-là que le scénario adopte des allures de leitmotiv manipulateur en se fourvoyant dans les coups de théâtre et les retournements de situation qui prendront en main les vingt dernières minutes du film; si certains passages mettent le trouillomètre à zéro (la découverte des tombes, Thomas retrouvant avec horreur les cadavres de toute sa famille arrangés et assis à la grande table de la demeure de sa tante), d'autres font moins mouche (la manifestation du fantôme de Martha, un peu grotesque), et l'on se sent obligé de reconnaître que ces twists scénaristiques ne tiennent pas fondamentalement debout. Là réside l'unique faiblesse de The Murder Secret, qui est à l'arrivée proche du sans faute. En effet, outre ses dégénérescences Gore susdites intervenant en deuxième moitié de métrage, ce film possède un style qui lui est propre, que cela tienne de son déroulement d'intrigue (narration très atypique, tempo d'une lenteur extrême mais assez habile pour ne jamais provoquer de longueurs ou temps morts), comme de son apparence formelle - image souillée par un très fort grain de pellicule, décors campagnards beaux mais hostiles -. L'interprétation s'y révèle de surcroît plutôt bonne malgré certains seconds rôles joués par des acteurs inexpérimentés - le fils aîné de Thomas - et Gabriele Tinti est crédible dans la peau du personnage principal, père de famille vieillissant déboussolé par les événements insensés qu'il vit subitement. Concernant la bande-son, elle joue une présence à part entière dans les rouages de l'ambiance bizarre et angoissante du film; une musique avant-gardiste, composée de puissants beats syncopés et de nappes synthétiques aux sonorités tragi-comiques, qui déconcerte grandement et distille un certain malaise. Mario Bianchi livre par ailleurs une réalisation tout à fait respectable, avec certains angles de vues plutôt originaux et une mobilité qui contre l'habituel formalisme plan-plan des téléfilms. Il n'y a pas à tergiverser, The Murder Secret est une uvre marquante, dans laquelle règne un climat morbide et singulier, quelque chose de profondément inquiétant et dérangeant - ajoutons dailleurs au bilan des scènes-chocs une répugnante fixation en fin de film sur un visage décomposé et rongé par les asticots, signal démontrant la participation au projet du maître Fulci et de ses obsessions envers le macabre, le putride -, certes susceptible de rebuter, mais au final et malgré tout d'une étonnante valeur.
8/10