SCANNERS.
Réalisateur: David Cronenberg.
Année: 1981.
Origine: CANADA.
Durée: 1H43.
Distribution: Jennifer O'Neill, Stephen Lack, Patrick McGoohan, Lawrence Dane, Michael Ironside, Robert A. Silverman, Lee Broker, Mavor Moore, Adam Ludwig, Murray Cruchley...
Date(s) de Sortie(s) : France: 08 avril 1981 U.S.A: 14 janvier 1981
FILMOGRAPHIE: David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Canada).
1969 : Stereo, 1970 : Crimes of the Future, 1975 : Frissons, 1977 : Rage, 1979 : Fast Company, Chromosome 3, 1981 : Scanners, 1982 : Videodrome, 1983 : Dead Zone,1986 : La Mouche, 1988 : Faux-semblants, 1991 : Le Festin nu, 1993 : M. Butterfly, 1996 : Crash, 1999 : eXistenZ, 2002 : Spider, 2005 : A History of Violence, 2007 : Les Promesses de l'ombre, 2011 : A Dangerous Method.
10 secondes... la douleur commence, 15 secondes... vous étouffez, 20 secondes... vous explosez !Deux années après l'éprouvant Chromosome 3 (la progéniture), drame familial auquel l'utérus d'une mère névrosée produisait des enfants de la colère soumis à son désir de vengeance, David Cronenberg continue sa thématique de la mutation génétique en éludant cette fois-ci une quelconque allusion sexuelle. En l'occurrence, il s'agit d'un groupuscule de scanners déployés pour gouverner le monde par leur faculté télépathique et ainsi pouvoir contrôler à leur guise les cerveaux des êtres humains.
Le docteur Paul Ruth, leader réputé de l'organisation ConSec réussit à kidnapper un scanner du nom de Cameron, un sdf qui ne connait pas l'origine de ses dons de télépathe particulièrement destructeurs et nuisibles pour son entourage. Le médecin va lui faire prendre conscience à travers ses capacités psychiques extraordinaires qu'il peut contrôler, gérer son pouvoir puis enfin apaiser sa souffrance morale (un scanner entend régulièrement les voix et les pensées des autres dans son esprit torturé).
C'est l'éphemerol, un produit prescrit à la base pour favoriser l'accouchement des femmes enceintes qui va permettre à Cameron de soulager ses souffrances mentales. Mais une mission décisive va lui être attribuée: retrouver et tuer un dangereux scanner du nom de Darryl Revok à la tête d'une autre organisation beaucoup plus néfaste et immorale.
Comment ne pas être irrémédiablement fasciné, désorienté, déconnecté de notre réalité quotidienne face à la lecture d'un script aussi incongru, fantasque et passionnant !
David Cronenberg nous entraine à nouveau dans les méandres de la mutation biologique pour une enquête hors norme, prodigieusement intense et captivante mêlant espionnage industriel et science-fiction culminant son apothéose avec deux scènes chocs gores d'une remarquable efficacité.
C'est l'histoire d'une rivalité entre deux puissants scanners régis chacun par une sombre organisation secrète. L'un, Cameron, exerçant son pouvoir à bon escient en essayant de gérer ses facultés mentales avec l'aide docile d'un groupe pacifiste. L'autre, Revok, motivé à se servir de ce don pour créer une race nouvelle de mutants humains, via l'entremise d'un produit pharmaceutique révolutionnaire et ainsi pouvoir dominer le monde.
Entre cette singulière guerre des cerveaux se pose le problème originel de cette faculté télépathique aussi frénétique attribuée à ces hommes de chair et de sang normalement constitués (Cronenberg ne les dépeint pas comme des monstres difformes méconnaissables par leur apparence horrifiée). S'agit-il des effets dévastateurs d'une quelconque radiation, d'un handicap mental ou d'un médicament suspicieux aux effets secondaires toxiques irréversibles !?
A travers son récit passionnant impeccablement géré par une mise en scène appliquée, Cronenberg évoque les dangers de la médecine quand elle est octroyée à certains apprentis sorciers dépêchés d'inonder sur le marché leurs nouveaux médicaments testés sur la population civile sans en connaitre sa véritable fiabilité physiologique. Où quand l'homme responsable est capable d'engendrer des monstres au profit de ses ambitions personnelles.
Un problème d'éthique tristement actuel puisque nous en avons porté les frais dans notre pays hexagonal avec le fameux médicament "Médiator" imposé aux diabétiques mais récemment retiré du commerce pour ses effets plus néfastes que bénéfiques pour notre santé.
Michael Ironside est parfait de tempérance austère dans son ambition opportuniste à vouloir gouverner le monde en son propre nom. Un rôle patibulaire qui lui sied à merveille dans son orgueil démesuré et son intelligence mesquine à endoctriner son acolyte doué de bon sens et de raison.
C'est Stephen Lack qui lui accorde autant de pertinence dans son jeu d'opposition censé combattre une société immorale aux ambitions démesurées. Son allure étrangement hagarde et son regard inquiétant ajoute une aura insolite, une cohésion palpable pour son personnage doué de facultés hermétiques avant le clin d'oeil final inopiné !
LA GUERRE DES CERVEAUX.
Scanners reste 30 ans plus tard un superbe film fantastique échevelé plaquant le spectateur au fauteuil fasciné par un univers étrangement extravagant et déroutant.
Il faut saluer la superbe partition musicale atypique d'Howard Shore aux accents synthétiques blafards formidablement accordés sur un tempo scandé. De plus, l'incroyable travail effectué sur le son pour permettre d'accentuer les effets tapageurs psychiques raisonnant dans les cerveaux de nos scanners (battements de coeur, grondement de souffle exacerbé, échos de voix entremêlées) ajoute une indéniable aura viscérale raccordée au climat baroque savamment entretenu de l'oeuvre !
Nombre de scènes chocs ou spectaculaires restent dans les mémoires comme la séquence introductive dans la cafétaria avec une cinquantenaire hautaine réprimandant un sdf revanchard, l'expérience d'hypnose avec un professeur de Yoga, l'explosion d'une tête d'un assistant par un scanners en pleine conférence médicale et surtout l'impensable stupeur d'un bébé tentant de contrôler du ventre de sa mère l'esprit d'un autre scanner, assis juste en face de cette femme enceinte, dans la salle d'attente d'un cabinet médical (le scanner précité n'est autre que l'amie de Cameron interprétée par l'élégante Jennifer O'Neill).
De surcroît, il y a cette idée fusionnelle de l'esprit et la matière quand Cameron est réuni dans une cabine téléphonique pour tenter de contrôler et décoder à distance par la seule force de son esprit les circuits électroniques de multiples ordinateurs.
Enfin pour terminer, l'incroyable final explosif qui démontre de manière explicite et débridée le combat acharné de deux scanners reste un épique moment d'anthologie auquel il faut saluer la qualité artisanale des FX du prodigieux Dick Smith (en dehors des lentilles de contact d'un blanc trop épurée en guise de yeux révulsés).
UN ARCHETYPE AVANT-GARDISTE DU FANTASTIQUE CONTEMPORAIN.
Scanners est un authentique film culte qui n'a rien perdu de son pouvoir de fascination dans sa thématique de la mutation génétique traitant des capacités psychiques et intellectuels de notre cerveau. Une masse nerveuse génétiquement modifiée se révélant ici tributaire d'une drogue ou d'un nouveau produit prohibé par la création de l'homme, savant fou pathétique, orgueilleux et égocentrique.24.02.11.