par BRUNO MATEI » 26 Avril 2012, 06:27
Trois ans après Piranhas, démarquage semi parodique des Dents de la mer, Joe Dante livre avec Hurlements sa déclaration d'amour au mythe séculaire du loup-garou, dépoussiéré ici dans un contexte contemporain. Saupoudré d'humour noir sous-jacent et de clins d'oeil allusifs, cette référence du cinéma fantastique moderne doit aussi son salut au talent respectif des maquilleurs Rob Bottin et Rick Baker. Plus de 30 ans après sa sortie, Hurlements resplendit toujours autant dans sa conviction de nous convaincre sans outrance à l'existence du lycanthrope.
Karen est une célèbre journaliste déléguée pour la rencontre d'un mystérieux meurtrier, Eddie Quist. Après que le tueur ait permis un point de rencontre dans un sex-shop, la jeune femme se retrouve embrigadée dans une pièce close parmi sa présence. Prise de panique, Karen lance un appel au secours en criant de vive voix. Alors qu'une véhicule de police patrouillait à proximité, l'un des flics pointe son arme en direction de l'atercation et assassine froidement le tueur. Souffrant d'amnésie, Karen et son mari sont envoyés dans un séminaire de repos sous les conseils du Dr George Waggner. D'étranges évènements ne vont pas tarder à sa manifester.
Sorti la même année, à quelques mois d'intervalle que l'autre fleuron du genre, Le Loup-Garou de Londres de John Landis, Hurlements possède une certaine parité. Un esprit sarcastique influencé par l'humour noir, un contexte moderne pour raviver son monstre iconique et des effets spéciaux révolutionnaires toujours aussi bluffants et acérés. Si ce joyau de série B reste en l'occurrence toujours aussi plaisant à savourer, c'est dans la maîtrise formelle allouée à son réalisateur épaulé d'un comité de techniciens. Des exécutants circonspects à restituer l'ambiance forestière d'une communauté de loups-garous régis par un psychologue renommé. L'ironie corrosive émanant de cette confrérie vient du fait que ses patients préalablement dépressifs sont soignés par le Dr Wagner. Un psychologue affable contraint de leur permettre de canaliser leurs pulsions primitives compromises à la gratuité du meurtre sauvage. Dans une civilisation moderne, nos loups-garous réactionnaires sont donc acculés à refréner leur instinct animal pour se contenter de consommer des bovins domestiques. Bien entendu, les plus anarchistes d'entre eux vont allégrement bafouer les règles élémentaires du médecin pour extérioriser leur besoin naturel cultivé au goût de la chair fraîche !
Les décors champêtres d'une forêt nocturne imprégnée de brume, la photographie saturée de teintes azurs et orangées réconfortent simultanément une ambiance crépusculaire anxiogène.
Avec une poignée de comédiens confirmés et de seconds couteaux habitués au cinéma de genre (John Carradine, Dick Miller, Belinda Balaski, Kevin McCarthy et surtout la charmante Dee Wallace et enfin Patrick MacNee), Hurlements se soumet au conte moderne imprégné de dérision mais aussi d'érotisme torride (la coucherie de pleine lune des deux amants corrompus). Sa structure narrative particulièrement efficiente et la vigueur d'une partition musicale orchestrée par Pino Donaggio sont d'autant plus rehaussés d'FX artisanaux du plus bel effet. Pour preuve immuable, la séquence de métamorphose qui voit Eddie se transformer devant nos yeux en lycanthrope colossal est un moment d'anthologie époustouflant de rigueur visuel ! En prime, le climat angoissant résultant de certaines embuscades proférées aux héroïnes sans défense enrichissent son pouvoir d'inquiétude. D'autant plus que la menace hostile est sous-entendue par le beuglement de hurlements bestiaux perçus au sein de la forêt.
Mis en scène avec un talent inné et l'amour immodéré d'un cinéaste fasciné par un bestiaire légendaire, Hurlements fait figure de référence absolue du genre. Tout du moins la quintessence équitable parmi ses comparses tout aussi notoires, Le Loup-Garou de Londres et La Nuit du Loup-Garou. Reste à savoir qui pourra égaler, sinon transcender dans un avenir proche (ou lointain), le travail d'orfèvre accompli par une équipe de prodiges de l'illusion. Les chefs-d'oeuvre sont inaltérables et Hurlements fait indubitablement parti de cette progéniture indéfectible !
