par Sir Gore » 07 Juillet 2006, 10:59
En 2004 sort ce qui demeure à ce jour comme l'un des travaux les plus étranges et difficilement cernables de Miike, Zebraman. On ne sait s'il s'agit d'un sentaï remis au goût du jour, ou d'un simple hommage au sentaï, ou encore, d'un remake de la série du même nom, qui s'était avérée tellement minable que le public n'avait pas suivi. Ceux qui s'attendent à un équivalent nippon des derniers Batman peuvent rapidement passer leur chemin; faute d'un budget conséquent, les scènes spectaculaires se révèlent loin d'être légion et on se surprend à jeter pas mal de fois un coup d'il à l'horloge faisant face au téléviseur. Car les longueurs ne tardent hélas pas à se manifester, après un démarrage excellent, où l'on s'immisce dans l'existence minable de ce prof qui ne l'est pas moins (Sho Aikawa dans son meilleur rôle chez Miike). Le bougre va recouvrer le goût de la vie en se glissant dans le costume de son héros d'enfance, Zebraman, et mettre de l'ordre dans la ville, peu à peu assaillie par des entités extraterrestres malfaisantes, représentées par des images de synthèse savoureusement cheap. Le scénario s'avère plus étoffé et intrigant qu'à l'accoutumée pour du Miike, mais paradoxalement, l'ensemble gagne cette fois à plusieurs reprises l'échelon de l'ennui, ce dernier étant pourtant malicieusement évité in extremis dans pas mal de ses autres films, qui jouaient justement avec le même style de ruptures rythmiques, en se gardant bien de sombrer dans la torpeur. Dans un métrage tel que Zebraman, on découvre bien vite que ce genre de parti pris n'a en aucun cas sa place, et ce n'est sans doute pas ce qu'a pensé l'auteur de Rainy Dog. La velléité de critique sociale en début de film possédait pourtant du mordant, mais il fallait choisir entre cela ou le sentaï, pitch oblige. Zebraman déçoit également sur le plan artistique: une mise en scène à l'allure de pseudo-documentaire (souvent filmé caméra à l'épaule), avec une photographie des plus ternes; inutile de préciser que cette esthétique ne convient guère à l'atmosphère d'un film avant tout fictionnel et crée ainsi un rendu visuel plutôt de mauvais de goût. En parlant de Zebraman comme un cru moyennement réalisé et souvent ennuyeux, on pourrait sous-entendre qu'il s'agit d'un simple ratage ou presque. Cependant non, loin de là. Il y a quelques moments forts, quelques instants de poésie décalée et absurde, qui le rendent attachant lorsqu'il ne se veut pas rébarbatif. Et l'assaut final, qui fait dans le spectaculaire avec les moyens du bord, lui permet d'émerger complètement de sa léthargie. Et puis, ce déferlement d'effets numériques foireux tout autant que fun et qui rappellent nos années Sega... quel bonheur kitsch ! Un petit sentiment de plénitude qu'il ne faut craindre d'avouer, allons. Quant à l'épilogue, il est d'une élégance simple, tendre et touchante, si, si. Zebraman, quoiqu'il ne soit pas l'un des meilleurs Miike, demeure une oeuvrette dont les qualités transcendent les nombreuses maladresses et en font une curiosité - aux éléments disparates - à voir.
6/10