
Comme beaucoup d'écoles actuelles, Herrington High a, depuis longtemps déjà, vécu son âge d'or. Ses murs virent au gris, ses livres scolaires véhiculent des informations périmées, ses professeurs paraissent usés bien avant la retraite... Ses couloirs et ses classes vibrent cependant de la présence turbulente et bruyante de l'Amérique future. S'y bousculent meneurs et moutons, cerveaux et crétins, élèves au sérieux inflexible et cancres notoires. Comme tous les adolescents de tous les continents, ils affrontent des parents qui ne les comprennent pas, des professeurs qui ne les ont jamais compris et des hormones qui les taraudent. Mais les adolescents de Herrington High se heurtent à un problème inédit : un corps enseignant si particulier qu'il en devient inquiétant. Ils le soupçonnent d'appartenir à une autre espèce, de venir d'une autre planète. Quand l'école est finie, la résistance à l'invasion s'organise...

On ne peut pas dire que la carrière de Robert Rodriguez tienne du sans faute. Lorsque ses films n'accusent guère un flagrant manque de maîtrise et de personnalité, ils doivent leur réussite (Sin City) sans doute davantage à un entourage professionnel prestigieux qu'au talent du cinéaste en lui-même.

Teen movie sous forme de thriller fantastique aux enjeux scénaristiques percutants, The Faculty déroge assurément à la règle. Le pitch nous fait ainsi atterrir au cur d'un campus américain tout ce qu'il y a de plus caricatural, avec les parfaits clichés des personnalités des étudiants et des professeurs qui se respectent, plus particulièrement dans la première catégorie; on y trouve le premier de classe martyrisé par ses camarades, la rebelle que tout le monde pense lesbienne, la ravissante pimbêche, le dealer en herbe ou encore le sportif qui remet sa réputation en question. Un vrai régal. Rodriguez a décidé de tout miser dans le fun et force est davouer que le bougre fait pour une fois des étincelles, même si l'appui d'un très judicieux scénario signé Kevin Williamson (Scream), n'est forcément pas étranger dans l'excellence du film.

Difficile de s'ennuyer la moindre seconde devant ce spectacle à la fois ludique, excitant, subtilement ironique, inquiétant et parfois même terrifiant, fort d'une mise en scène rayonnante de fluidité et de dynamisme ainsi que d'effets spéciaux aussi approximatifs que diablement jubilatoires. Le casting nous réserve son lot de têtes incontournables: Elijah Wood, le hobbit du Seigneur des Anneaux qu'on ne présente plus, la craquante Jordana Brewster, Robert Patrick, l'impitoyable T-1000 de Terminator 2, Famke Janssen, Salma Hayek, Piper Laurie, et quelques autres comédiens d'une génération plus récente tels que Josh Hartnett, Clea DuVall et Laura Harris; un beau petit monde qui semble prendre un pied royal dans sa participation à l'entreprise. Si l'on occulte ce puissant potentiel de divertissement, fruit de son succès, il y a dans The Faculty un fond iconoclaste d'une audace rare dans le cinéma hollywoodien de tout temps: la drogue sera en conclusion le véritable élément héroïque de l'histoire. Un souffle de rébellion contre une Amérique faussement puritaine, qui n'a néanmoins rien d'un gage de qualité, que cela soit clair.

Voici le genre de films qui surprend en bien. Sous ses allures de production calibrée pour un public de masse adolescent, The Faculty cache un petit trésor d'humour noir, de grand-spectacle et de nihilisme à peine voilé, dont l'intrigue captivante et le rythme parfait nous permettent de passer le meilleur des moments. À voir sous n'importe quel prétexte.
9/10
