Casting:
Lee Seung-Yeon,
Lee Hyeon-Gyun,
Kwon Hyeok-Ho.
À l'aide d'une mise en scène perlée, Kim Ki-Duk démontre une fois encore tout son art de la contemplation, en évitant de sombrer le moindre instant dans l'ennui, par on ne sait réellement quel moyen, quelle manière, quel pouvoir. C'est toute la différence qui divise les grands des mauvais tâcherons illusionnistes, mitraillant laborieusement leurs films de longueurs afin de se la jouer cinéaste intello-branchouille. L'auteur de
L'Île, lui, métamorphose les scènes fondamentalement anodines en instants de pur lyrisme, dans lesquels se jouent à la fois la simplicité, l'émotion originelle et la richesse esthétique.
L'histoire sur le papier ne prêtait pourtant pas forcément à la réussite sur l'écran et même là, elle se révèle à bien plusieurs reprises quelque peu boiteuse: un jeune homme - probablement autiste - dépose une petite brochure publicitaire à la porte de chaque résidence, ce qui lui permet de savoir si les propriétaires sont absents ou non en revenant sur les mêmes lieux plus tard le soir; ainsi, dans le premier cas, il squatte l'habitation le temps d'un jour et d'une nuit, avec le plus grand respect du matériel qui ne lui appartient pas (il n'hésite pas même à réparer une horloge, une balance ou une stéréo défectueuses). Ki-Duk complique rapidement les choses en ajoutant à cela une histoire d'amour impossible entre le jeune squatteur professionnel et une femme d'âge mûr maltraitée par son mari, un bourgeois violent et alcoolique. Les deux êtres s'enfuient ensemble et vivent... de squat, jusqu'à ce que tout dérape.
Avec un tel programme scénaristique, le ridicule involontaire aurait facilement pu monter sur le haut du podium. Et pourtant, tout semble tenir debout. Mais c'est surtout la façon dont le réalisateur filme ses deux personnages, avec une grâce et un triomphe du silence rendant le tout extraordinaire, qui marquera notre mémoire.
La seconde moitié s'apparente cependant davantage à un thriller teinté d'angoisse et de mystère, où un passage culmine par-dessus tout, celui mettant subjectivement en scène le jeune locataire rebelle après sa libération de prison, revenant sur les lieux de ses squats, tel un fantôme qu'on ne sait terrifiant ou alors uniquement malicieux.
Cette uvre belle, fascinante et incroyablement aboutie se termine dans le calme, l'apaisement et l'élégance, et pourtant, l'histoire aurait, pour nos confrères d'outre-Atlantique, mérité une bonne prolongation d'une heure, voire deux, avec un vrai happy-end mielleux. Tant pis pour leur compte.
9/10