LA NUIT DES MASQUES
Titre d'origine: The Babysitter Murders / Halloween
Réalisateur: John Carpenter.
Année: 1978.
Origine: U.S.A.
Durée: 1h31.
Distribution: Donald Pleasance, Jamie Lee Curtis, Nancy Kyes, P.J. Soles, Charles Cyphers, Kyle Richards, Brian Andrews, John Michael Graham, Nancy Stephens, Arthur Malet.
Sortie en salles en France le 14 Mars 1979. U.S: 25 Octobre 1978.
FILMOGRAPHIE: John Howard Carpenter est un réalisateur, acteur, scénariste, monteur, compositeur et producteur de film américain né le 16 janvier 1948 à Carthage (État de New York, États-Unis).
1974 : Dark Star 1976 : Assaut 1978 : Halloween, la nuit des masques 1980 : Fog 1981 : New York 1997 1982 :The Thing 1983 : Christine 1984 : Starman 1986 : Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin 1987 : Prince des ténèbres 1988 : Invasion Los Angeles 1992 : Les Aventures d'un homme invisible, 1995 : L'Antre de la folie 1995 : Le Village des damnés 1996 : Los Angeles 2013 1998 : Vampires 2001 : Ghosts of Mars 2010 : The Ward
GRAND PRIX DE LA CRITIQUE A AVORIAZ 1979.
Quatre ans après son premier essai Dark Star, le jeune réalisateur John Carpenter est postulé par les producteurs indépendants Irwin Yablans et Moustapha Akkad pour travailler un scénario basé sur un psychopathe s'en prenant aux babysitters d'une bourgade des Etats-Unis.
D'abord intitulé The Babysitter Murders, John Carpenter et sa petite amie de l'époque Debra Hill confectionnent leur script mais décide de modifier le titre pour le rapprocher à la fête d'Halloween, période de la toussaint où se déroule l'action du film.
Avec un faible budget de 325 000 dollars et un tournage de 21 jours débuté au printemps 1978 sous le soleil de Californie, Halloween remporte un joli succès au box-office par simple effet de bouche à oreille, faute d'une publicité occultée. Même si les critiques de l'époque ne sont pas tendres avec ce petit métrage horrifique d'un metteur en scène méconnu, Halloween engendre finalement plus de 176 000 000 dollars (dont 47 000 000 rien qu'aux Etats-Unis) à travers le monde. Il devient alors le film indépendant le plus rentable de l'histoire du cinéma. En france, le film totalise au box-office le maigre score de 283 934 entrées. C'est au fil des années que ce chef-d'oeuvre indétrônable va gagner sa célèbre notoriété de classique immuable.
Haddonfield, Illinois, 1963. Durant une nuit d'Halloween et pendant l'absence de ses parents, le jeune Michael Myers à peine âgé de 6 ans assassine sa propre soeur Judith en se voilant le visage d'un masque risible. Après ce meurtre froidement exécuté, les parents revenus de leur soirée festive aperçoivent devant l'entrée de la maison le jeune fils armé d'un couteau de cuisine ensanglanté.
15 ans plus tard, un autre soir d'Halloween, le tueur juvénile qui était emprisonné dans un asile psychiatrique réussit à s'évader pour rejoindre sa ville originelle et accomplir de nouveaux meurtres. Le Dr Loomis, obsédé à l'idée de capturer cet individu diabolique se rend sur les lieux mêmes du sinistre évènement commis à Haddonfield. Pendant ce temps, de jeunes babysitters préparent la soirée festive d'Halloween.
En 1978, à l'aube d'une carrière notoire exceptionnelle, le jeune John Carpenter (alors âgé de 30 ans) révolutionne le cinéma d'horreur moderne et va littéralement transcender le genre codifié du slasher entamé 4 ans au préalable avec Black Christmas de Bob Clark.
Avec peu de moyens, un maigre script et la présence de comédiens inconnus (en dehors de Donald Pleasance), le metteur en scène s'implique de façon méthodique à suggérer la présence fantomatique d'un tueur atypique accoutré d'un masque blême, jouant à cache-cache avec un trio de babysitters pour mieux nous confronter au marasme de la peur.
De cette trame simplifiée à l'extrême, Halloween tire sa puissance émotionnelle et son angoisse terriblement anxiogène par la genèse d'une ambiance lourde et lugubre au pouvoir d'envoûtement hypnotique. La musique quasi omniprésente accordée au piano synthétique par le réalisateur en personne va considérablement peaufiner et s'imprégner de son univers nocturne auquel Michael Myers est devenu le maître des lieux. Sa silhouette spectrale à peine dévoilée, son ombre maléfique effleurant les murs, la raideur d'une posture inquiétante planent dans chaque recoin des pavillons environnants. Une présence hostile souvent sous-jacente mais pouvant s'éclipser à n'importe quelle pièce de notre foyer si familièrement sécurisant.
Avec le décor paisible d'une bourgade reculée des Etats-Unis mais isolée de ses parents décampés, John Carpenter se fait un malin plaisir à façonner un climat de désolation autour de trois jeunes babysitters fricotant avec leur petit ami de passage. Seule, la ravissante Laurie, demi-soeur adoptée par la famille Strode, semble esseulée par son célibat imposé et occupe son ennui à garder deux bambins fascinés par la fête d'Halloween. A ce sujet, cette fameuse fête religieuse celte originaire des îles Britanniques va également participer au caractère mystique mais aussi caustique (par l'omniprésence emblématique de citrouilles au rictus risible confectionnés par les bambins) de l'entité diabolique errante. Un croque-mitaine redouté enfoui dans nos peurs enfantines, ici représenté par le Mal personnifié par Michael Myers. Fantôme impassible au regard vide et glacial, à la posture rigide et machinale et éludé du moindre sentiment humain.
L'ambition horrifique majeure de John Carpenter n'est pas de nous foutre la trouille avec nombre d'effets sanguinolents que Vendredi 13 et consorts iront complaisamment exploiter deux ans plus tard durant toute une saga mercantile interminable. A contrario, pas une once d'hémoglobine à l'horizon, pas d'effets de sursaut de polichinelle hilare mais une subtile mise en attente de la peur réfrénée, un suspense diffus pour mieux décupler une angoisse sévèrement tangible suintante toutes azimuts. Jouer lestement avec les nerfs du spectateur en retardant au maximum l'effet meurtrier escompté si redouté dans une atmosphère atypiquement ombrageuse. Et quand la mort sans visage décide de nous happer, elle se révèle brusquement inopinée, brutale et sans fioriture.
Au niveau de l'interprétation, l'intelligence de Carpenter est aussi d'avoir su exploiter de jeunes actrices au comportement raisonné, logique, jamais puéril afin de mieux exacerber chaque situation de danger inquiété. Tandis que la novice Jamie Lee Curtis va immortaliser son rôle chétif de babysitter tourmentée et traquée avec un naturel frugale dans l'art d'exprimer ses angoisses susceptibles et sa terreur face à l'indicible iconographie du Mal. Enfin, la présence paranoïaque de Donald Pleasance ayant toujours une longueur de retard sur les sinistres évènements d'Haddonfield traîne sa patte de faux détective perdu au milieu de la nuit avec une bienveillance malhabile.
The Babysitter Murders
Voilà ce que caractérise à mon sens Halloween, chef-d'oeuvre d'horreur moderne éludé d'esbroufe car entièrement façonné pour jouer avec nos peurs infantiles (le fantôme imperceptible tapi dans l'ombre de n'importe quel recoin !) en utilisant l'effet de suggestion pour mieux contrecarrer ces moyens budgétaires dérisoires. La puissance de cette mise en scène consciencieuse entièrement érigée pour scander une ambiance macabre savamment distillée, le funèbre tempo musical entêtant et son efficacité émanant d'un suspense lattent ancré dans le surnaturel auront su immortaliser une légende de l'horreur matérialisée par l'impénétrable Michael Myers.