LA GRANDE MENACE
Titre Original: The Medusa Touch.
Réalisateur: Jack Gold.
Année: 1978.
Origine: Angleterre/France.
Durée: 1h44.
Distribution: Richard Burton, Lee Remick, Lino Ventura, Harry Andrews, Marie Christine Barrault.
Sortie en France en Novembre 1978.
FILMOGRAPHIE: Jack Gold est un réalisateur et producteur britannique né le 28 Juin 1930 à Londres.
1967: Famine, 1968: The Bofors Gun, 1969: The Reckoning, 1973: Who ?, 1975: Man Friday, 1976: Le Tigre du ciel, 1978: The Sailor's Return, La Grande Menace, 1980: Le Petit Lord Fauntleroy, 1984: The Chain, 1987: Les Réscapés de Sobibor, 1993: Der Fall Lucona.
Sorti la même année que Patrick (Grand Prix à Avoriaz) et Fury et trois avant la guerre des Scanners de David Cronenberg, le britannique Jack Gold s'inspire du roman de Peter Van Greenaway pour traiter
avec The Medusa Touch (en français, La Grande Menace) du thème paranormal de la télékinésie. Cette faculté métapsychique consistant à mettre en mouvement la matière par la force mentale de l'esprit (du mot grec, télé: à distance, et kinésie: mouvement).
Le romancier John Morlar est retrouvé sauvagement assassiné dans son appartement londonien, le crane fracassé. L'inspecteur français Brunel chargé d'une mission en Angleterre se doit d'enquêter sur ce mystérieux crime alors que l'homme a subitement repris vie pour être amené dans un hôpital de soin à proximité. L'investigation du policier s'oriente vers le psychiatre Zonfeld qui avait la tâche de suivre son patient Morlar, persuadé de provoquer des catastrophes par la seule force de sa pensée.
ATTENTION ! IL EST PREFERABLE D'AVOIR VU LE FILM AVANT DE LIRE MON AVIS.
Production franco-anglaise à la distribution inopinément hétéroclite (qui plus est dans un film fantastique ludique), La Grande Menace est mal accueilli à l'époque de sa sortie par les critiques alors qu'il engrange tout de même dans notre pays hexagonal 241 762 entrées uniquement sur Paris. Aux Etats-Unis, le film se voit même nominé un an plus tard pour le Saturn Award du Meilleur film d'horreur sans toutefois bénéficier du prix royal. Alors qu'au fil des décennies, il va se forger une réputation plutôt élogieuse de la part des fantasticophiles indécrottables.
Dans un alliage d'enquête policière, de fantastique et de film catastrophe, La Grande Menace tire de prime abord son avantage par la dextérité d'une intrigue solidement charpentée. Une trame consciencieusement établie pour tenter de convaincre insinueusement le spectateur embarqué dans une histoire surnaturelle auquel un écrivain est persuadé de provoquer des catastrophes démesurées par la seule force de son esprit.
Magnifiquement interprété par un magnétique Richard Burton au regard bleu pénétrant et terrifié dans un rôle prégnant de monstre malgré lui, le film lui doit beaucoup pour sa véracité déployée et la force psychique qu'il émane. Il est accompagné de la séduisante présence de Lee Remick dans celle d'une psychiatre de renom délibérée à le ramener à la raison, avant de pouvoir douter de sa propre faculté mentale désarçonnée d'être témoin d'évènements irrationnels dépassant l'entendement.
Le script empreinte donc en grande partie la voie de l'enquête criminelle tempérée par notre robuste inspecteur Brunel campé par l'imposant et inopiné Lino Ventura (dans un genre hors norme auquel on ne l'attendait pas). Ce trio de monstres sacrés réunis de façon aléatoire est en grande parti le gain de réussite pour une oeuvre constamment captivante tant leur prestance innée accorde beaucoup de crédit à son thème surnaturel attribué au phénomène inexpliqué de la télékinésie.
A travers de nombreux flashbacks déliés en intermittence dans un savant montage adroit, Jack Gold nous brosse avec un sens suggestif le portrait d'un anarchiste brimé durant son enfance par son entourage familier. Que ce soit son professeur d'histoire tyrannique et orgueilleux, ses propres parents dédaigneux ou sa femme infidèle et l'amant arrogant de celle-ci. Persuadé qu'il est capable de nuire à autrui par la seule force de sa pensée, l'écrivain Morlar, désorienté, apeuré et esseulé, à deux doigts de sombrer dans la folie la plus aliénante, va contacter un psychiatre pour extérioriser avec force et détails ses horribles méfaits commis par la faute de sa rancoeur et d'une rebelle colérique épidermique. Comme le fait de pouvoir faire écraser un avion sur un bulding pour convaincre délibérément sa psychiatre inflexible et perplexe. Ou plus extravagant encore, démontrer encore la preuve de son pouvoir pernicieux et inexpliqué en empêchant des cosmonautes partis en mission sur la lune de revenir sur terre.
La subtilité de ces évènements décrits, tous plus frénétiques les uns des autres, attèle le réalisateur à suggérer plutôt que de démontrer les évènements dramatiques de manière explicite. Une façon finaude à ce que le spectateur dubitatif mais constamment fasciné par le regard hypnotique et ténébreux de Morlar puisse douter jusqu'à la fin si cet être profondément meurtri, révolté de l'iniquité d'un monde cupide est véritablement doué de pouvoirs télékinésiques. Alors que durant tout le métrage, depuis sa tentative d'assassinat commis en sa défaveur, notre antagoniste moribond est conforté depuis la chambre de son hôpital dans un état semi comateux pour lentement retrouver ses facultés mentales et une nouvelle fois tenter de provoquer une catastrophe présagée. Mais cet anarchiste contestataire psychologiquement torturé est-il proprement azimuté, entraînant de surcroît ses capitaux témoins dubitatifs aux cimes de la folie, ou réellement capable de pouvoirs psychiques par le pouvoir de con cerveau ?
Après avoir compris qui était l'assassin présumé de Morlard, l'inspecteur Brunel finira donc lui aussi par douter de sa propre raison cartésienne et finalement constater qu'un potentiel accident de grande ampleur risque inévitablement de se reproduire.
Sur le mode du genre catastrophe, le final apocalyptique va orienter sa besogne dans un intense moment de suspense implacablement rodé pour mettre nos nerfs à rude épreuve en ciblant un monument historique menaçant de s'effondrer sur des quidams conviés.
Superbement mené dans une enquête passionnante laissant planer un doute persistant jusqu'au final redouté et dominé par la prestance de comédiens chevronnés (Richard Burton habité par son rôle est proprement terrifiant d'ambiguïté et de révolte aigrie), La Grande Menace est un superbe cauchemar contemporain aussi impressionnant que sobrement convaincant.
ATTENTION SPOILER !!! Sans jamais chercher à épater la galerie dans une surenchère facilement spectaculaire, ce classique n'ayant pas pris une ride est d'autant plus empreint d'une terreur psychologique que l'on n'oubliera pas de sitôt l'audace de son ultime épilogue nihiliste annonçant l'apocalypse nucléaire ! FIN DU SPOILER.