par BRUNO MATEI » 13 Octobre 2011, 11:47
Deux ans après les éblouissants Obsession et Carrie réalisés successivement la même année, Brian De Palma renoue avec le thème surnaturel de la parapsychologie dans Furie. Un film fantastique diaboliquement ficelé, conjuguant avec bonheur espionnage, action, suspense et épouvante traditionnelle, saupoudré d'une impondérable pointe d'humour cocasse introduite en tout début d'intrigue. Entouré d'acteurs de renom (Kirk Douglas, John Cassavetes, Charles Durning, Amy Irving), ce film futilement sous-estimé est à réhabiliter à sa juste valeur tant il exploite avec beaucoup d'efficacité et de maîtrise technique une intrigue savamment haletante et ensorcelante.
Un père travaillant auprès du gouvernement, accompagné de son fils, se font berner par l'agence qui décide de ravir ce dernier doué de pouvoirs paranormaux. Après avoir manqué de trépasser dans un odieux traquenard commandité par son ami de longue date, le paternel décide de partir à la recherche de son fils, drogué et tributaire d'expériences scientifiques à des fins politiques. Au même moment, une jeune fille, Gillian, possédant les mêmes dons exceptionnels semble attirée par le jeune garçon en communiquant par télékinésie.
En s'appropriant une nouvelle fois du thème de la télékinésie préalablement établi avec l'envoûtant Carrie, Brian De Palma s'inspire d'un roman de John Farris pour nous concocter un prodigieux spectacle parfaitement calibré dans son alliage des genres et aux personnages bien dessinés. On sera d'ailleurs surpris du ton ironique des premières séquences allouées quand Peter Sandza est contraint de trouver des vêtements en pénétrant par effraction chez un coupe de sexagénaires décontenancés de sa physionomie à demi-nue ! Ou encore la présence risible de ces deux policiers pris en otage par notre héros accoutré d'un costume de vieillard et craignant que leur rutilante nouvelle carrosserie de fonction ne soit sévèrement cabossée dans ses courses poursuites incessantes engagées contre des espions pugnaces. Paradoxalement, après que ne soit intervenu une séquence d'action trépidante particulièrement intense, on pouvait craindre que notre réalisateur se vautre dans le ridicule en y mêlant successivement ce genre de situations cocasses proprement hilarantes.
Néanmoins, l'humour omniprésent des vingts premières minutes va peu à peu s'occulter pour exacerber l'action des enjeux avec l'intervention d'un nouveau personnage caractérisé par la ravissante Amy Irving (déjà remarquée dans Carrie). Cette jeune fille profondément accablée par son pouvoir surnaturel est incapable de contrôler ses émotions irrationnelles quand au moindre contact humain, elle provoque chez un sujet particulièrement arrogant une hémorragie abondante insoluble à maîtriser. C'est dans une clinique spécialisée que notre témoin va être contrainte de tenter de dominer son pouvoir alors que des visions hallucinogènes et prémonition vont lui être administrées dans son esprit inconsciemment sollicité par Robin, le fils martyrisé par une confrérie gouvernementale sans vergogne.
D'ailleurs, la narration menée avec une maîtrise technique parfois bluffante (la séquence d'anthologie entièrement filmée en "slow motion" illustrant avec minutie la fuite de Gillian à travers rues contre les ravisseurs de l'odieux Ben Childress) doit beaucoup à la prestance de cette comédienne d'une justesse psychologique admirable. Elle peut même se targuer de voler carrément la vedette à nos héros principaux incarnés par les briscards Kirk Douglas et John Cassavettes ou encore le juvénile Andrew Stevens. C'est le portrait empathique envers Gillian qui rend l'oeuvre si intense et captivante. Une victime chétive totalement dépassée par son don de prescience et de télékinésie, peu à peu soumise et subordonnée à l'arrivisme d'un immonde agent politique orgueilleux. Un affabulateur convaincu de remplacer le fils de Peter, davantage irascible, toxicomane et en perte de faculté mentale. Là aussi, l'accent dramatique est privilégié dans la décrépitude du jeune garçon devenu incontrôlable car totalement démuni et destitué de sa personnalité galvaudée.
Dans la dernière partie réfutant le happy-end salvateur, nous retrouvons Peter, plus déterminé que jamais, accompagné de Gillian pour tenter de récupérer sain et sauf Robin, plus irascible et pernicieux que jamais. Ce long point d'orgue particulièrement cinglant et spectaculaire, car déployant des séquences chocs sanglantes magnifiquement supervisées par le maître des FX, Rick Baker, culmine son apothéose dans une anthologique mise à mort littéralement explosive !
Si l'intrigue de Furie se révèle sans grande surprise et laisse interférer quelques gênantes invraisemblances (comme l'évasion de Peter réussissant de manière imbitable à s'extraire de l'embarcation d'un rafiot après une gigantesque explosion), la maîtrise technique d'un De Palma assidu(amples mouvements de caméra vertigineux et circulaires), l'interprétation d'ensemble robuste (Amy Irving crève littéralement l'écran !) et l'efficacité d'un récit captivant privilégiant la psychologie de ses personnages en font un remarquable divertissement de haute tenue. D'autant plus que le score fastueux de John Williams va enjôler cette aventure ensorcelante.
Note: C'est le premier rôle au cinéma de Daryl Hannah qui interprète Pam, une écolière à la cafétaria assise à la droite de Gillian (l'avais même pas r'connu !).
Récompense: Saturn Awards 1979: Meilleurs maquillages pour William Tuttle et Rick Baker, remis par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur.[I]
