Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone, 1968

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Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone, 1968

Messagepar BRUNO MATEI » 12 Septembre 2014, 07:05

Titres d'origine: Once Upon a Time in the West / C'era una volta il West
Réalisateur: Sergio Leone
Année: 1968
Origine: Italie/U.S.A.
Durée: 2H43
Distribution: Charles Bronson, Henry Fonda, Claudia Cardniale, Jason Robards, Gabriele Ferzetti, Frank Wolff, Lionel Stander, Keenan Wynn, Paolo Stoppa, Jack Elam, Woody Stroode.

Sortie Salles Italie: 21 Décembre 1968. France: 27 Aout 1969.

FILMOGRAPHIE: Sergio Leone est un réalisateur, scénariste et producteur italien, né le 3 Janvier 1929 à Rome, décédé le 30 Avril 1989.
1959: Les Derniers Jours de Pompéi, 1960: Sodome et Gomorrhe, 1961: Le Colosse de Rhodes, 1964: Pour une poignée de Dollars, 1965: Et pour quelques Dollars de plus, 1966: Le Bon, la Brute et le Truand, 1968: Il Etait une fois dans l'Ouest, 1971: Il était une fois la Révolution, 1973: Mon Nom est Personne (co-réalisé avec Tonino Valerii), 1975: Un Génie, deux Associés, une Cloche (co-réalisé avec Damiano Damiani), 1984: Il Etait une fois en Amérique, 1989: Les 900 jours de Leningrad (inachevé).

Pionnier du western spaghetti, Sergio Leone réalise en 1968, juste après l'achèvement de sa trilogie du dollar, la quintessence finale du genre, Il Etait une fois dans l'Ouest. Une clef de voûte emphatique portée par la partition lancinante d'Ennio Morricone ancrée toute autant dans la légende. Paradoxalement, à l'époque de sa sortie US, ce fut un échec commercial et critique alors que quelques scènes avaient été censurées ! (22 minutes afin d'alléger sa durée inhabituelle !). Certaines sources affirment également que le rôle qu'endosse l'éminent Henry Fonda dans la peau du tueur d'enfant était débouté par le public américain, faute de sa prestation à contre-emploi. Quatre scénaristes ont aussi été crédités pour la réalisation du projet dont le célèbre réalisateur Bernardo Bertolucci. Mais c'est au débutant Dario Argento à qui l'on doit de sa funeste signature la fameuse anthologie illustrant, non sans sadisme, une exaction machiavélique de victime par pendaison ! Dans l'Ouest des États-Unis, près de Flagstone, la conception d'une ligne de chemin de fer est en projet. Attendu par un trio de tueurs déterminés, un inconnu accoutré d'un harmonica descend d'un train et les abat méthodiquement. Dans cette contrée en pleine mutation pour l'infrastructure urbaine, l'homme sans nom est à la recherche de Frank, un tueur à gages responsable de la mort de son frère, aujourd'hui associé avec le directeur cupide de la construction du chemin de fer.

Dès les premiers instants du préambule aphone, Il Etait une fois dans l'Ouest nous illustre une séquence semi-parodique lorsqu'un trio d'individus suspicieux attendent patiemment l'arrivée d'un train pour exécuter l'homme qui doit en descendre. Dans un quasi mutisme elliptique, les dix premières minutes rivalisent d'inventivité et de maîtrise dans la gestion du plan large et des cadrages alambiqués pour ausculter les regards sournois de bandits aux trognes patibulaires. Un air d'harmonica est soudainement entendu derrière le train alors qu'un homme mystérieux dévoile sa silhouette pour les défier. Cet air musical concis et métronomique distille un écho vénéneux afin d'annoncer leur mort. Le ton lyrique est donné ! Ce western crépusculaire sera opératique, nonchalant, élégiaque et flamboyant dans son florilège d'émotions scandées par une musique tantôt inquiétante tantôt romanesque. Sergio Leone, ne souhaitant pas de prime abord réentreprendre un nouveau western (il songeait plutôt à concrétiser l'univers du gangstérisme des années 20 avec Il Etait une fois en Amérique) en réalise ici le point d'orgue funèbre afin d'annoncer la fin du genre au sein de l'Ouest sauvage. Il nous transcende donc une ultime fois la destinée désespérément esseulée de cow-boys marginaux en déclin avant qu'un nouveau monde ne dévoile son visage avec le projet capitaliste d'une construction ferroviaire. A travers les thèmes de la vengeance et du deuil insurmontable, nos personnages au caractère distinct vont se croiser, se fréquenter puis se compromettre avec le mal (le viol de Jill McBain commis par le responsable du massacre de sa famille, l'homme à l'harmonica décimant les comparses de Frank venus l'assassiner) pour sauver leur peau, entamer leur devise et oublier leur morne existence. Durant ce long cheminement entrepris dans la rancoeur, la mort semble planer sur les épaules de nos anti-héros condamnés à survivre dans la solitude, à l'aube d'un Ouest en mutation.

Spoiler !!! Dans un florilège de séquences mémorables à l'intensité dramatique, la vengeance latente qui en était le moteur essentiel dévoile ses motivations lors d'un flash-back traumatisant de perversité. Ce moment d'émotion éprouvant va enfin révéler au spectateur la lointaine réminiscence d'une mise à mort machiavélique perpétrée sous un soleil écrasant. Un acte d'une cruauté acérée incriminant contre son gré un frère obligé de supporter du poids de ses épaules un aîné suspendu d'une corde au cou au sommet d'une arche. Pour amplifier l'état de marasme administré aux deux frères, l'instrument musical d'un harmonica sera imposé dans la bouche du cadet afin de l'humilier et accélérer l'agonie fatale de son frère. On comprend dès lors que cet instrument monocorde entendu durant tout le film n'était qu'une mélodie funéraire afin de suggérer le souffle d'agonie, quand bien même au moment propice de la dite vengeance, l'harmonica sera cette fois-ci ironiquement administré dans la bouche du bourreau ! Après le duel légendaire perpétré par nos deux ennemis jurés, la romance escomptée par la veuve Jill McBain avec l'homme sans nom est destituée d'une quelconque rédemption amoureuse puisque chacun repartira indépendamment avec sa solitude et ses souvenirs avant que la mort ne rattrape une ultime fois un bandit reconverti. Fin du Spoiler. Au niveau de l'interprétation, l'inoubliable Charles Bronson n'aura jamais été aussi magnétique que dans ce personnage de vengeur taciturne sculpté d'un regard inflexible. Un homme sans identité condamné à mûrir un châtiment implacable pour le compte d'un tueur subtilement pervers. Sa posture de cow-boy flegmatique accoutré d'un d'harmonica distille une aura hermétique à chacune de ses apparitions. Radieuse et sensuelle, Claudia Cardinale endosse avec fragilité celle d'une prostituée au grand coeur qui avait décidé de rompre avec son passé racoleur pour l'amour sincère de son riche époux. Hormis le massacre perpétré envers sa famille, son destin l'amènera tout de même à relever la tête avec dignité et courage pour fonder un nouvel avenir en effervescence. En tueur d'enfant sans vergogne, Henry Fonda déconcerte au plus haut point pour ceux qui s'attendaient à ce que l'acteur bellâtre compose un rôle éminemment humble. Enraciné dans la lâcheté, l'immoralité, le mépris et la violence, il fascine par son élégance snobe, à l'image son regard azur faussement rassurant. En bandit vieillissant, Jason Robards apporte une touche d'empathie dans son soutien loyal à l'homme à l'harmonica et à la veuve auquel il semble timidement épris d'amour.

Il était une fois l'ouest nouveau, ou l'adieu au western spaghetti.
Mis en scène avec la virtuosité d'un perfectionniste du western transalpin, Il Etait une fois dans l'Ouest est une danse baroque avec la mort, un opéra lyrique inscrit dans l'emphase, à l'instar de son élégie musicale rythmant le destin de personnages désabusés, marginaux passéistes marqués par l'injustice. Avec la densité d'un scénario charpenté, ce western mélancolique dépeint également le bouleversant témoignage d'une veuve motivée à regagner son honneur, sa dignité et son autonomie, unique personnage capable d'évoluer au sein de sa nouvelle civilisation. Pour parachever, la vengeance obsédante de l'homme sans nom qui hante tout le film décrit surtout l'achèvement d'un nomade incapable de s'insérer dans la nouvelle société, car préférant s'éloigner du progrès pour s'éclipser vers une horizon indéterminée.

Note: Rattaché au lyrisme du film, la traduction exacte du titre italien, C'era une volta il West est en faite IL ETAIT UNE FOIS L'OUEST.

ANECDOTES.
Le générique du début d'Il Etait une fois dans l'Ouest est le plus long de l'histoire du cinéma.
Sergio Leone, qui avait essayé d'engager Charles Bronson dans les films Pour une Poignée de Dollars et Le Bon, la Brute et le Truand, obtint enfin son accord pour interpréter Harmonica.
Pour le rôle de Frank, Leone tenait absolument à Henry Fonda, en contre-emploi des rôles de braves types honnêtes, nobles et positifs qui firent sa renommée : il joue ici un tueur ignoble n'hésitant pas à massacrer des innocents et des enfants et crachant à tout bout de champ. Eli Wallach, qui interprétait Tuco dans Le Bon, la Brute et le Truand, a persuadé Fonda d'accepter le rôle. Au tout début du tournage, Leone, voyant Fonda avec des lentilles de couleur marron et une moustache, voulut immédiatement le remplacer. Mais après avoir été maquillé et habillé, celui-ci convainquit le réalisateur sans avoir dit un seul mot. Sa performance est remarquable, car né en 1905, il avait 63 ans lors du tournage du film, dans lequel il semble beaucoup plus jeune, surtout dans le flash-back final qui révèle le motif de la vengeance d'Harmonica.
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BRUNO MATEI
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