L'ENFANT DU DIABLE
Titre original: The Changeling
Réalisateur: Peter Medak.
Année: 1980.
Origine: U.S.A.
Durée: 1H50.
Distribution: George C. Scott, Trish Van Devere, Melvyn Douglas, Jean Marsh, John Colicos, Barry Morse, Madeleine Thorton-Sherwood, Helen Burns, Frances Hyland.
Sortie en salle en France le 29 Octobre 1980. U.S.A: 28 Mars 1980.
FILMOGRAPHIE: Peter Medak est un réalisateur et producteur hongrois né le 23 Décembre 1937 à Budapest (Hongrie).
1968: Negative, 1972: A day in the death of Joe Egg, 1973: Ghost in the noonday sun, 1978: The Odd job, 1980: l'Enfant du diable, 1981: la Grande Zorro, 1986: The Men's club, 1990: la Voix humaine, 1993: Romeo is bleeding, 1994: Pontiac moon, 1998: la Mutante 2.
Quelques mois après la sortie du grand succès public Amityville, la maison du diable de Stuart Rosenberg, les producteurs Garth H. Drabinsky et Joel B. Michaels proposent pour 7,6 millions de dollars le nouveau projet d'un film de maison hantée à Peter Medak. Un metteur en scène canadien confirmé ayant déjà fait ses preuves avec les séries T.V Amicalement Votre, Cosmos 1999 et quelques longs-métrages comme Negative ou A day in the death of Joe Egg.
Tiré d'un scénario de Russel Hunter auquel le récit serait basé sur des évènements ayant eu lieu à Denver durant les années 60, l'Enfant du diable (encore un titre français dérisoire à but uniquement mercantile) voue son exceptionnelle réussite à un argument indéfectible alloué à une ambiance angoissante sous-jacente éludant l'artillerie lourde des scènes-chocs spectaculaires.
John Russel vient de perdre sa femme et sa fille dans un tragique accident de voiture. Lourdement éprouvé, il décide de quitter son foyer après quatre mois de deuil pour s'installer dans l'état de Washington et occuper un poste d'enseignant de musique. Réfugié dans une vaste demeure en location, il ne va pas tarder à être témoin de phénomènes inexpliqués. La maison semblant habitée par une entité diabolique d'un enfant infirme lâchement assassiné.
Après un prélude d'une sobre intensité dans sa tragédie accidentelle percutant de plein fouet une mère et sa fille devant le témoignage du père impuissant, Peter Medak nous entraîne furtivement dans l'environnement d'une spacieuse demeure où chaque pièce silencieuse de prime abord semble pénétrée par une présence irréelle. C'est un homme lamenté dans son drame aléatoire, musicien notoire passionné de piano qui décide de quitter sa contrée pour mieux obstruer un passé douloureusement affecté par la mort de sa famille en se réfugiant loin de l'urbanisation, dans une immense bâtisse poussiéreuse ayant appartenue au célèbre sénateur Joseph Carmichael.
Ce n'est qu'à l'aube matinale d'un jour spécifique que John va entendre durant de longues secondes, à 6h précise, le tambourin d'un bruit infernal résonnant à travers les cloisons murales.
La maison étant inoccupée depuis pas mal d'années, l'homme esseulé ne vas pas tarder à manifester son inquiétude et devoir fouiner sur ses évènements inexpliqués davantage persistants et irritants. C'est d'abord dans la pièce d'un grenier qu'il va faire l'intrigante découverte d'une petite chaise roulante décrépie, d'une boite à musique composant un air identique à l'un de ces morceaux joué au piano et d'un cahier écrit le 4 Janvier 1909 par un garçonnet de 6 ans. Son scepticisme puriste et les troublants évènements intervenants de manière récurrentes vont malgré tout le contraindre à faire appel à une équipe de voyants pour une séance de spiritisme éloquente dans les indices déployés par une force surnaturelle. Cette séquence éprouvante remarquablement confectionnée se révèle sans doute la plus impressionnante du film. On doit sa réussite technique grâce à une direction d'acteurs hors pairs ne sombrant jamais dans le saugrenu et une habile gestion de l'utilisation des vastes décors de couloirs lugubres permettant de suggérer en caméra subjective une présence diabolique. Ce qui abouti au développement d'un sentiment d'angoisse tangible s'infiltrant insinueusement dans l'esprit du spectateur déséquilibré !
Si j'insiste à décrire ces quelques petits détails scénaristiques, c'est pour démontrer le soin accordé à la véracité d'une narration dense et consciencieuse, d'une parfaite cohésion d'autant plus difficile à authentifier qu'elle est élaborée sur un canevas fantastique purement surnaturel.
Croire à l'incroyable et l'art de narrer une douloureuse histoire de crime infantile entièrement bâtie sur ses personnages ! Telle est la force du cinéma octroyé à l'imaginaire quand le metteur en scène décide de convaincre ce qu'il souhaite nous retranscrire via le soin d'une mise en scène dépouillée exploitant ses étranges décors avec beaucoup de tempérance et de suggestion dans l'espace large du cadre. Alors que les comédiens complètement impliqués vont permettre de nous séduire dans leur humanité fléchissante associée à une perspicacité draconienne dans leur quête de rétablir un épouvantable crime jamais élucidé par l'entremise d'un esprit vengeur de l'au-delà !
D'une première heure captivante prenant soin à installer cette lourde atmosphère d'angoisse anxiogène peaufinée par une chaude photographie ocre, la seconde partie s'attellera à une passionnante enquête criminelle d'une force dramatique poignante quand on connaîtra les véritables raisons qui auront poussé le véritable instigateur à commettre un crime infantile crapuleux aussi improbable.
L'impressionnant George C. Scott dans sa posture austère de cinquantenaire cartésien endeuillé par la perte de deux êtres chers apporte une belle dimension empathique dans sa contribution délibérée à vouloir coûte que coûte rétablir l'ultime vérité compromettant un haut sénateur perfide et arrogant. Sa lourde tâche de délivrer l'âme souillé d'un enfant bafoué est d'autant plus ardente qu'elle est soumise face à des évènements surnaturels davantage risqués et périlleux vers son ultime point d'orgue rédempteur autant qu'explosif.
Déployant nombre de séquences impressionnantes (la séance de spiritisme, la découverte du puits ou celle de la pièce opaque du grenier, la noyade de l'enfant dans la baignoire, les bruits résonnants dans les murs, la balle ricochant dans l'escalier), The Changeling (oublions au plus vite le titre français inepte !) est un chef-d'oeuvre du fantastique vintage à ranger aux côtés des tous aussi précieux et immuables La Maison du Diable, les Innocents, Ne vous retournez pas ou Le Cercle Infernal.
La parfaite alchimie d'un scénario singulier implacablement structuré, d'une interprétation sans faille et surtout d'une atmosphère d'angoisse sensorielle utilisant ses sombres décors avec une frugale subtilité achèvent de délivrer une oeuvre charnière indémodable et passionnante, d'une puissance dramatique peu commune dans le genre symptomatique du film de maison hantée.
Récompenses: Prix du Meilleur acteur (Geroge Scott) au Fantafestival 1982.
Prix génie du meilleur film, Genie Awards de la Meilleure photographie, Meilleur son, Meilleure direction artistique, Meilleur acteur étranger (George Scott), Meilleure actrice étrangère (Trish Van Devere), Meilleur scénario et Meilleur son en 1980