par Sir Gore » 18 Février 2007, 12:41
Frank Henenlotter fut, au même titre que Jim Muro ainsi que Sam Raimi et Peter Jackson à leurs débuts, un grand spécialiste du cinéma d'horreur underground américain des années 80. On lui doit un premier long-métrage plus ou moins culte, Frère de Sang, mix d'hommage aux monsters movies d'antan, de film Gore et de drame fraternel dont le style crasseux et l'originalité font indéniablement mouche. Réalisé quelque temps plus tard, Elmer le remue-méninges suit à quelques éléments près la même thématique que l'uvre précédente d'Henenlotter, à savoir la complicité morbide unissant un jeune homme et un monstre sanguinaire - en l'occurrence une sorte de gros limaçon fluorescent doté d'une voix de crooner de même qu'une propension à dévorer les cerveaux humains. Une fois encore, le tout s'avère pétri d'inventivité et dénote un triomphe du système D (le budget de production fut bien évidemment très limité), sauf que l'auteur de Frankenhooker devait avoir un projet plus ambitieux dans la tête, ce qui explique la présence de cette satire sous-jacente de la dépendance vis-à-vis de la drogue, illustrée par la descente aux enfers du personnage principal qui ne peut plus se séparer de cette ignoble créature; en effet, Elmer (le nom du spécimen) agit à la manière d'un dangereux stupéfiant en injectant une substance liquide bleutée dans le cerveau même. Il « s'approprie » ainsi un individu à la base normal mais désormais addicté par son pouvoir, qui lui servira d'intermédiaire physique pour commettre ses assassinats. Derrière la forme d'une bande trash aimable, délirante et doucement malsaine, il y a donc un fond moins joyeux et insouciant, pas si naïf que l'on pourrait le croire.
Frank Henenlotter aurait pu faire de cet Elmer le remue-méninges un petit chef-d'uvre du genre si l'ensemble avait bénéficié d'un meilleur sens du rythme; on se surprend à s'ennuyer quelque peu entre deux séquences saugrenues ou cartoonesques, car le film n'est hélas guère exempt de longueurs et semble s'essouffler dans sa seconde partie. En dépit des faiblesses en question, il y a pléthore de bonnes choses dans cet ovni horrifique, à commencer par l'atmosphère et la musique, tout à fait dans l'esprit de Braindead, mais également cette esthétique savoureusement eighties et parfois très « pétante » à l'image des filtres bleus utilisés dans la photographie lors de scènes se déroulant à l'intérieur qui lui confèrent un aspect très arty. La direction d'acteurs reste acceptable pour sa part, même si l'on discerne facilement l'amateurisme des comédiens. Enfin et surtout, les effets spéciaux sont extrêmement bons, quil s'agisse du design d'Elmer comme d'autres trucages tout autant farfelus (arrachage de cerveau par l'orifice auriculaire, mini-cerveaux dans une assiette de spaghettis), et l'indigence des moyens ne se fait guère sentir.
Au final, même si l'on peut lui préférer le charme rare et l'ambiance glauque de Frère de Sang, cette curiosité au propos assez grave édulcoré par un généreux quota d'humour noir et d'inventivité loufoque demeure un fleuron à petite échelle du versant underground de l'épouvante, à conseiller vivement aux amateurs du genre.
7/10