Demain les Mômes

-> Les films d'horreur, fantastique, SF...

Messagepar BRUNO MATEI » 07 Octobre 2011, 10:56

DEMAIN LES MOMES
Réalisateur: Jean Pourtalé.
Année: 1975.
Origine: France.
Durée: 1h30.
Distribution: Niels Arestrup, Brigitte Rouan, Emmanuelle Béart, Michel Esposito.

Récompenses: Grand Prix au 3ème Festival de film fantastique et de science fiction de Paris, ainsi que celui du Prix Spécial du Jury au Festival International de "New Orléans".

Sortie en salles en France le 18 Août 1976

FILMOGRAPHIE: Jean Pourtalé est un réalisateur français né le10 Septembre 1938 à Paris, décédé le 17 Octobre 1997.
1964: Dernier soir (court-métrage)
1969: Sylvie à l'Olympia (Court-métrage du tour de chant)
1975: Demain les Momes
1980: 5% de Risques

"La même année que les Révoltés de l'An 2000, un film français sorti de nulle part va lui aussi transcender le thème de l'enfance immolée !"

En 1976 sort sur les écrans un premier film d'un réalisateur méconnu dans une quasi indifférence générale alors que certaines critiques bien pensantes n'hésiteront pas à lui tourner le dos. Néanmoins, les organisateurs de deux festivals lui ouvrent la voie de la reconnaissance avec 2 prix décernés à Paris et à la Nouvelle Orléans. En l'occurrence, totalement occulté ou ignoré par le plus grand nombre d'entre nous, Demain les mômes est un ovni filmique rare et précieux, aussi réaliste et désespéré que son cousin ibérique, j'ai nommé le chef-d'oeuvre martyr Les Révoltés de l'an 2000.

Dans une époque non définie, suite à une potentielle guerre mondiale, le monde est devenu un lieu aride et stérile où quelques survivants errent sans but à la recherche d'un éventuel abri. Notre point de rencontre se situe dans le sud-ouest de la France alors que Philippe et Suzanne, réfugiés dans leur ferme champêtre, coulent des jours indolents grâce aux réserves de nourriture qu'ils ont approvisionné dans leur cave. Un jour, un groupe de quidams dépêchés à proximité de leur foyer s'en prennent sauvagement à la jeune femme qui s'était retrouvée à l'extérieur de la maison. Philippe arrive précipitamment à sa rescousse et tire vainement avec son arme de chasse en direction des fuyards. Contraint de subsister de manière esseulée pour cause de la disparition létale de sa femme, il tente de retrouver un quelconque survivant avec l'aide d'un récepteur radiophonique. C'est alors qu'une bande de gamins lambda font irruption à proximité de sa maison familiale !

Avec l'entremise d'un budget restreint et de décors minimalistes, Jean Pourtalé s'attèle à retranscrire lestement un monde en décrépitude suite à un cataclysme à échelle mondiale. Par le bruit assourdissant d'un son perçant les tympans de chaque victime, la terre est devenu un cimetière décharné où le peu de survivants tentent maladroitement de subsister en se méfiant de la moindre présence humaine potentiellement hostile. En quelques plans chocs et explicites à nous dévoiler l'apparence horrifiée de quelques cadavres faméliques restés aux abords des trottoirs (maquillages plutôt adroits et morbides !), le réalisateur réussit à rendre crédible un univers glauque où erre le sentiment prégnant de désolation. Où seul l'aura du vent bourdonnant fait office de présence latente afin de renforcer le caractère morose de notre planète réduite en cendre.
Après avoir dépeint l'existence quotidienne d'un couple d'amants réfugiés dans leur ferme du sud de la France, le danger aléatoire venu d'un trio de marginaux sans vergogne va inéquitablement soustraire la vie de Suzanne, la femme de ce dernier. Tandis que quelques jours plus tard, après avoir tenté de retrouver d'éventuels survivants par l'entremise d'une radio, Philippe va rentrer en contact avec un groupe d'enfants mutiques, accompagnés d'un cinquantenaire déficient.

Insinueusement et avec un souci d'authenticité proche du documentaire, Demain les Mômes va nous dévoiler le caractère austère, monolithique et glacial d'une bande de marmots incapable d'éprouver un minimum de compassion ou d'attendrissement face à leur nouveau protégé Philippe, homme de foi davantage désorienté et dérouté. Par petites touches, c'est la nouvelle ambition d'un homme solitaire tentant d'établir un contact amical avec cette bande organisée d'enfants sauvages qui nous ait détaillé scrupuleusement avec une sensibilité poétique, accentuée par la superbe mélodie pastel d'Eric Demarsan. En intermittence, le thème musical va subitement virer de ton pour devenir beaucoup plus ombrageux, de manière à mettre en amont le côté mystérieux, étrangement aphone de la présence presque surnaturelle des enfants mutiques opposés au monde des adultes.
La devise de Philippe sera de tenter de leur inculquer le savoir vivre, l'apprentissage des valeurs humaines, le respect d'autrui dans ce monde trop furtivement livré à l'agonie. Des séquences intimistes incorporées à la psychologie suspicieuse des antagonistes, sans jamais tomber dans les conventions balisés du genre post-apo et en éludant intelligement tout caractère spectaculaire. Dépité et vexé de tant de rancoeur de la part de ces enfants introvertis et taciturnes, Philippe va se rendre à l'évidence que l'espoir de reconstruire un monde meilleur n'est qu'une irréversible quête perdue d'avance.

L'excellent et trop rare Niels Arestrup apporte l'aplomb nécessaire dans sa maturité et son flegme autoritaire à daigner avec reconnaissance loyale éduquer des gamins dénués d'amour et d'empathie (comme cette séquence qui voit l'un des leurs trébucher du haut de la toiture de la ferme). Et en ce qui concerne le portrait rigide de ce groupe infantile communiquant exclusivement entre eux, ils retranscrivent avec un naturel trouble et probant un étrange comportement imbitable face à l'encontre de l'adulte qui ne procurait que soutien, confiance et réconfort. Leur présence hostile, sournoisement pernicieuse participe grandement au climat singulier que le film illustre avec un réalisme terrifiant. D'ailleurs, on ne manquera pas d'établir un rapprochement éloquent avec la physionomie interlope, faussement docile des enfants des Révoltés de l'An 2000, sorti la même année en Espagne.
A titre subsidiaire, on notera aussi qu'Emmanuel Béart fait ses premiers pas devant la caméra du haut de ses 12 ans prépubères.

Les Enfants du Silence.
Baignant dans un climat d'insécurité sous-jacent davantage oppressant et hostile, Demain les Mômes est un effrayant constat du fiasco de notre humanité, où les enfants destinés à s'affilier contre l'autorité parentale auront décidé de prendre leur revanche et annihiler l'homme responsable de leur perte d'innocence. Son final glaçant et nihiliste va renforcer ce sentiment aigri de perdition, cette perte de l'illusion d'où ne présage que la déshumanisation, l'amoralité et l'incapacité à tolérer son voisin rival. En résulte un récit post-apo tristement pessimiste, amer et désenchanté, où les images ternes et blafardes marquent les esprits tourmentés d'un avenir si aseptisé.
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BRUNO MATEI
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