Oh My Gore ! - Forum

[jambonpuree59]

bon petit film ambiance craspec' a souhait, sans renouveler le genre c'est pas mal

vu deux fois et m'en lasse pas!!

[BRUNO MATEI]

Pour le premier film d'un réalisateur anglais aujourd'hui notoire, Creep possédait déjà suffisamment d'atout pour convaincre l'amateur d'horreur avec ce survival plutôt cradingue, non dénué de verdeur dans les exactions d'un monstre réduit à l'état primitif. Dans la même veine que le Métro de la Mort de Gary Sherman, Creep reflète en outre une résonance sociale dans la caricature caustique d'une société individualiste dépréciant les laissés pour compte.

Dans les sous-sols d'un métro de Londres, une jeune femme endormie se retrouve seule après la fermeture des guichets. Alors qu'un train en circulation s'arrête sur une voie adjacente, l'un de ses collègue de travail en descend et tente de la violer. Mais une présence hostile tapie dans l'ombre décide de s'en prendre sauvagement à lui en l'assassinant de sang froid.

Petite série B d'exploitation réalisée sans prétention et un sens habile de l'angoisse diffuse, Creep tire sa force psychologique par la verdeur d'une ambiance particulièrement malsaine contrastant avec une photo criarde, et le profil licencieux d'un tueur crapuleux, monstre de foire déshumanisé. D'un script éculé jalonné de situations rebattues, prétexte à scènes chocs cinglantes et suspense lattent, ce survival parfois sardonique (le violeur peut à peine commettre son acte sexuel que le tueur l'envoie ad patres sans restriction !) exploite à bon escient l'intérieur claustrophobique de ses décors opaques. Véritable dédale de vastes couloirs interminables, de bouches d'égout et conduits d'aération, le métro londonien se révèle ici un véritable piège à claustration pour nos quelques survivants contraints de se planquer dans les endroits les plus hermétiques ou insalubres.

Emaillé de séquences terrifiantes (la 1ère apparition du tueur est un authentique moment d'effroi fortuit !) et agrémenté de séquences gores aussi acérées qu'explicites (le meurtre hors champ de la sdf se révèle pourtant insupportable par sa crudité hautement dérangeante !), Creep transcende son scénario orthodoxe par sa manière habile à captiver le spectateur dans une mise en scène vigoureuse. Embrigadés dans les réseaux d'égout ou expérimentés sur le lit d'un labo médical rempli d'outils rubigineux, nos protagonistes sont contraints d'endurer une nuit d'effroi sous la tyrannie d'un tueur adepte de la torture sans anesthésie !
Si ce jeu du chat et de la souris se révèle haletant et assez intense, c'est dans sa faculté à retranscrire un univers sordide régi par un tueur préalablement asservi par un paternel sans vergogne, adepte de l'expérimentation chirurgicale. Un monstre impassible au regard noir et désenchanté, contraint de se nourrir de chair humaine pour subvenir à ses besoins nutritifs. En jouant la carte du réalisme, Christopher Smith se fait un malin plaisir à nous authentifier cet être déshumanisé, rempli de tics convulsifs, couinant un cri laconique pour imposer sa hiérarchie autonome, déambulant d'une démarche nonchalante vers ses victimes déboussolées. Son corps meurtri lardé de contusions et cicatrices ainsi que son regard aigri dissimulant une grise mélancolie évoque aussi le sentiment que ce monstre humilié fut préalablement l'esclave soumis d'un savant fou inconvenant.

Réalisé avec un savoir-faire déjà persuasif, souvent terrifiant et impressionnant dans ses effets-chocs révulsifs, Creep s'extrait du lot traditionnel du genre dans le soin attribué à son ambiance malsaine par l'exploitation judicieuse d'un métro souterrain. Mais c'est aussi dans la caractérisation du tueur équivoque, sans doute martyrisé par un passé tendancieux que le film de Christopher Smith culmine son pouvoir morbide dans une misère humaine consentie, tristement actuelle.