par SUSPIRIA » 07 Juin 2010, 11:09
"POUR VOIR LA MORT OTTO, IL FAUT BAISER LA VIE DANS LA VESICULE !!!"
Produit par Andy Warhol qui n'est plus à une excentricité près, le réalisateur de la célèbre trilogie Flesh, Trash et Heat emprunte en 1973 le mythe de Frankenstein à sa manière hors norme peu subtile et volontairement provocante. Il va frapper un grand coup dans le domaine de la surenchère et du mauvais goût au pays de l'épouvante old school avec cette moderne réappropriation transgressive, décadante et baroquissime pour le thème si éternel de l'ultime création de la vie en se posant digne concurrent de Dieu en personne !
Cette énorme farce caustique érotico-gore surprend toujours autant auijourd'hui pour sa franche radicalité délibérée de nous envoyer à la face des scènes très sanglantes, voires extrêmes d'une giclante décapitation à coup de sécateur, nécrophilie nauséeuse, éventration, masturbation en compagnie d'organes humains tendrement malaxés, main violemment tranchée, piquet en plein coeur dégoulinant de chair ! Un véritable festival de tripes et de sang, un hymne suprême non plus à la vie mais à la beauté de sa chair vécue de l'intérieur et dévêtue de l'extérieur du corps humain !
Le baron Frankenstein, docteur refoulé et impuissant d'une intelligence dégénérée et demesurée, adepte du tripatouillage d'organes gesticulés souhaite avec l'aide de son assistant pervers Otto créer le couple parfait et avoir ainsi accès au pouvoir absolu dans un nouveau monde grâce à ces êtres physiquement remodelés, accomplis et téléguidés. Tandis que pendant ces travaux fructueux et sulfureux, sa soeur nymphomane avec qui il a enfanté 2 enfants discrets et énigmatiques, s'envoie en l'air avec le maitre de service Nicholas, adepte musculaire de la luxure sans modération.
De cette trame volontairement grotesque, subversive et excessive Paul Morissey va en tirer un somptueux poème morbide d'affectation sur les affres de la chair dans toute sa jouissance à travers l'enveloppe puis l'observation intérieure de l'horreur organique fantasmée par 2 êtres putassiers dans leur logique du vice.
La sublime scène abjecte mais assumée, fascinante et poétique du dégraffage des tiges rigides d'une longue et large cicatrice picturale composée sur le torse de Dalila Di Lazarro est un moment d'anthologie d'une audace et d'une perversité hautement déviante, décomplexée. Tout comme cette séquence nécrophile venue d'un autre temps quand le baron se décide à faire l'amour de manière indocile, organique avec sa créature livrée à sa merci sous l'oeil complice de son assistant Otto tétanisé et médusé de ce spectacle orgiesque atypique !
Tout dans "Chair pour Frankenstein" inspire la fascination, la répulsion et l'amour de la chair dans une mise en scène baroque, grandiose, au service de décors gothique de toute beauté (le labo du Baron est sans doute l'endroit le plus majestueux, singulier et impudique qu'on est vu dans la série des Frankenstein). Tandis que les comédiens à la fête, l'incroyable ange déluré Udo Kier complètement habité, Monique Van Vooren, Joe Dallesandro, Carla Mancini et la superbe Dalila Di Lazarro mènent la danse avec grâce, un accent théatral hautain et des teintes d'expression exacerbées dans la folie de leur personnage représenté.
En attendant son frère jumeau "Du sang pour Dracula", "Chair pour Frankenstein" reste un chef-d'oeuvre odieux et absolu du cinéma d'horreur contemporain pour un mythe si ancestrale. L'incroyable débauche de sexe et de sang défini dans un ballet baroque magnifiquement régi sous un superbe thème musical mélodieux et classieux ennivre les sens du spectateur, fascine, dérange, envoute et répulse à la fois. Et les comédiens innés pour leur rôle respectif rendent inoubliable cette oeuvre malade et dépucellée à travers l'histoire corrosive du Baron le plus décadent, aberrant, désaxé qu'on ait vu dans un métrage de cinéma ! pour l'amour de la chair !