par BRUNO MATEI » 25 Mai 2012, 07:28
Un an après l'immense succès de Frankenstein s'est échappé, Terence Fisher renoue avec la même équipe technique (directeur de photo, décoriste, scénariste et compositeur) puis enrôle ces deux vétérans de l'épouvante (Cushing et Lee) pour nous réactualiser sa version de Dracula, librement inspiré du roman de Bram Stoker. A l'arrivée, ce titre emblématique de la Hammer concrétisé en 1958 se révèle LE chef-d'oeuvre absolu du mythe vampirique, maintes fois copié, jamais égalé !
Jonathan Harker se rend au château du Comte Dracula en se faisant passer pour un aimable bibliothécaire. Déterminé à le détruire, il attend le crépuscule du jour pour pouvoir le sacrifier dans son cercueil. Mais une jeune femme vampire, assujettie par le comte, l'attaque le soir même en le mordant au cou. Le docteur Van Helsing décide de partir à sa recherche en espérant que son acolyte ne soit pas devenu une nouvelle victime de Dracula.
Le Cauchemar de Dracula ! Titre phare qu'une génération de fantasticophiles auront eu l'aubaine de découvrir durant une diffusion de l'émission d'Eddie Mitchell, La Dernière Séance. C'était en 1985, un mardi de seconde partie de soirée, et plus précisément vers 23H !
Que reste t-il aujourd'hui de ce souvenir mythique ancré dans le coeur de tous les fans du genre auquel Van Helsing tentait de sauver le monde en pourchassant inlassablement le plus célèbre des comtes des Carpates ! Si les diamants sont éternels, le chef-d'oeuvre de Terence Fisher peut lui aussi se targuer de rutiler de manière aussi étincelante avec sa mise en scène épurée d'une précision géométrique ! Beauté gothique des décors architecturaux et de son environnement champêtre, teinte sépia d'une photo picturale et narration structurée avec souci de vraisemblance. Mais surtout un affrontement légendaire de deux gentlemans de l'horreur, Peter Cushing et Christopher Lee !
Quand on revoit de façon récursive l'oeuvre de Fisher, on se rend compte à quel point la fascination exercée sur l'emprise visuelle des images flamboyantes nous saisit de stupeur ! Dans une ambiance gothique d'un érotisme ardent, les femmes soumises sont l'objet du désir d'un prince des ténèbres voué à les contaminer par guise de revanche et mégalomanie. Car ici, à contrario du roman de Stoker et d'autres versions cinématographiques à venir, Dracula n'est jamais épris d'affection pour une dulcinée mais simplement promis à les violenter de façon charnelle. Son ambition majeure et de daigner propager le mal par la contagion de ses morsures et violer les épouses esseulées. Deux séquences magistrales démontrent à quel point les femmes dénudées, réconfortées dans un lit soyeux, sont éprises d'un irrésistible vertige sexuel pour accueillir leur initiateur ! Cet érotisme sous-jacent est largement accentué par leur physionomie mêlée de crainte et d'extase en présageant l'arrivée orgueilleuse du prince ! Ce sentiment de répulsion/attraction impartie aux victimes féminines nous fascine par leur impuissance, leur incapacité à pouvoir repousser le Mal absolu, faute de désir charnel !
En dehors de cette poésie sensuelle extravertie, le fil narratif se focalise également sur l'ambition salvatrice de Van Helsing, épaulé d'un complice, Arthur Holmwood (le frère de la première victime), pour se lancer à la traque permanente du prince des ténèbres. Une quête hermétique semée d'embûches puisqu'une maîtresse vampirisée rode la nuit aux alentours de la demeure d'Arthur pour entraîner la petite Tania vers un sous-bois nappé de brume. Alors que Dracula, délibéré à contaminer la compagne d'Arthur, va user de traquenards et subterfuge pour se débarrasser de ses ennemis opiniâtres.
Si le Cauchemar de Dracula continue d'exercer son pouvoir inaltérable d'envoutement funeste c'est aussi par l'élégance machiste de nos deux protagonistes renommés ! Dans le rôle du vampire notoire, Christopher Lee livre une performance aussi impressionnante qu'insidieuse dans sa posture distinguée d'aristocrate opportuniste. Son immense cape enveloppant l'ampleur d'un corps ténu ainsi que son regard impassible noyé de perversité magnétisent ses proies (spectateurs compris !), ensorcelées par son apparence spectrale. En chasseur de vampire loyal et pugnace, Peter Cushing impose une prestance aussi persuasive dans ses élans héroïques, perpétrés avec vigueur pour annihiler sans relâche un immortel prédestiné à la damnation.
Mis en scène avec une ambition virtuose toujours aussi acerbe et visuellement étourdissant de gothisme funèbre alternant l'érotisme lattent, le Cauchemar de Dracula est un joyau de l'horreur séculaire. L'illustration flagrante qu'un créateur d'images convaincu du potentiel fantastique puisse s'entreprendre à authentifier un récit illusoire axé sur le folklore vampirique. Alors que deux gentlemans au charisme gandin auront marqué de leur empreinte un affrontement dantesque pour transcender l'éternel combat du Bien contre le Mal !
