par BRUNO MATEI » 19 Juillet 2011, 09:51
Trois ans après son cultissime Hellraiser, Clive Barker renoue avec l'horreur flamboyante sublimant un bestiaire singulier avec Cabal, tiré encore de son propre roman.
Mais une sévère déconvenue avec les producteurs perplexes de l'univers foisonnant et anticonformiste créé par Barker, va entraîner une suppression de plus de 20 minutes de pellicule. Hormis son manque de profondeur dans la caractérisation des personnages et d'un montage haché, Cabal, film infortuné souvent décrié lors de sa sortie, brille aujourd'hui de 1000 feux !
Boon est un jeune quidam rebelle partageant une vie de couple idyllique avec son amie. Il est cependant suivi par le psychiatre Decker depuis qu'il est sujet à de récurrents cauchemars hallucinatoires l'entraînant incessament dans un univers horrifique peuplée de monstres. Depuis quelques temps, un serial-killer secoue la région dans sa série de meurtres d'une sauvagerie inouïe. Rapidement, c'est Boon qui est accusé de cette vague de crimes établis sans aucuns mobiles.
Spécifiquement primé à Avoriaz du Prix Spécial du Jury en 1991, le film monstre de Barker se traîne depuis sa sortie une fâcheuse réputation d'oeuvre inachevée et bancale.
Réalisé avec un savoir-technique assidu mais charcuté par les producteurs mécréants de la Fox, Cabal peut aisément rejoindre le florilège de films maudits, vilipendés par la critique bien pensante (et d'un public parfois dubitatif). Alors qu'en l'occurrence, il peut enfin se targuer de bénéficier d'une côte d'estime fructueuse favorablement reconnue.
Ce qu'il perd en cohérence et en dimension humaine optée en faveur des monstres, il le gagne de façon imparable en rythme échevelé et l'efficacité endiablée qui en émane.
Le scénario simple et sans surprise mais intrigant et débridé possède une aura visuelle très soignée dans ses chaudes couleurs vétustes afin de contraster avec l'univers décrit de Midian. Pour épicer l'intrigue, un serial-killer présomptueux, campé par notre réal préféré David Cronenberg (franchement étonnant d'aisance), s'est invité en incarnation du Mal afin de provoquer la communauté des rebuts de la société enfouie aux sous-sols d'un cimetière gothique. D'où cet alliage peu commun de débordements sanglants et de fantastique enchanteur harmonieusement agencés.
Avec la conviction de notre héros Boon irrésistiblement attiré par une légende fantasmée, un véritable univers baroque et flamboyant se matérialise admirablement devant nos yeux émerveillés ! Monstres humains difformes, graciles, repoussants ou fétides conçus avec une imagination frénétique coexistent dans les souterrains caverneux d'un cimetière à l'ambiance gothique. Un climat irrésistiblement enjoleur et attrayant dans son opacité, renvoyant à certains décors funèbres de la Hammer (la Femme Reptile), ou encore à l'imagerie de la fantasy telle que les aventures de Sinbad et ses monstres animés par Harryhausen.
Sorti de ses délires masochistes invoquant le plaisir de la souffrance par le biais du Mal dans Hellraiser, Barker fascine une fois encore de façon plus classieuse et attendri le spectateur, contemplatif d'un règne stricte où les monstres humains possèdent leur propre loi et déontologie. Il évoque précisément le thème universel du droit à la différence et de cette intolérance régie et innée en chaque être humain. Ici, les psychiatres, religieux et forces de l'ordre sont les véritables monstres à visage neutre pour se pourvoir en assassins xénophobes, incultes, assoiffés de haine au nom de leur potentielle liberté. Boon revenu d'entre les morts va donc découvrir durant son cheminement un monde suprême hors du temps et surtout pour quelle véritable raison il s'est investi dans la quête de cet endroit familier tolérant tous les exclus et marginaux martyrisés depuis des lustres. ATTENTION SPOILER !!! Tandis que le tueur cynique est davantage déterminé à annihiler son fugitif ainsi que sa dulcinée égarée au beau milieur de Midian, la police fugacement dépêchée et repliée en nombre sur les lieux décide d'encercler le cimetière pour une déclaration de guerre préfigurant un génocide. L'affrontement apocalyptique sera paradoxalement annonciateur d'une fortuite nouvelle menace ascendant un nouveau leader, véritable incarnation psychotique du Mal symbolique ! FIN DU SPOILER.
Bénéficiant d'une incroyable vigueur dans le rythme déployé, d'effets-spéciaux artisanaux de choix et d'une épique partition musicale du vénéré Dany Elfman, Cabal se révèle malgré ses handicaps majeurs un superbe spectacle haut en couleurs, d'une rare efficacité au vu de l'intrigue simpliste octroyée. Le pouvoir de fascination prégnant qu'il exerce généreusement au public captivé par l'entremise de l'univers hiérarchique de Midian débouche sur l'un des plus excitants films de monstres jamais réalisés.
