BABYCALL
Réalisateur: Pal Sletaune.
Origine: Norvège.
Année: 2011.
Durée: 1h36.
Distribution: Noomi Rapace, Kristoffer Joner, Henrik Rafaelsen, Vetle Qvenild Werring, Bjorn Moan, Torkil Johannes, Swensen Hoeg.
Sortie salles France: 2 Mai 2012. U.S: non daté
Récompense: Grand Prix et Prix de la critique à Gérardmer, 2012.
FILMOGRAPHIE: Pal Sletaune est un réalisateur, scénariste, producteur, né le 4 Mars 1960 en Norvège.
1994: Eating Out
1997: Junk Mail
2001: Amatorene
2005: Next door
2011: Babycall
Six ans après l'excellent petit thriller féministe Next Door, le norvégien Pal Sletaune renoue avec les ambiances lourdes et contractées pour décrire la dégénérescence mentale d'une mère de famille traumatisée par un drame familial. A la lisière de Répulsions de Polanski, Babycall a tellement convaincu les membres du jury de Gérardmer qu'il repart avec les honneurs du Grand Prix et celui de la critique !
Anna et son jeune fils de 8 ans quittent leur foyer conjugal par la cause de maltraitances infligées par un mari violent. Après avoir emménagé dans un appartement, la mère décide d'acheter un babyphone afin de surveiller le sommeil perturbé de son fils. Une nuit, elle entend à travers l'appareil des cris suppliciés d'une personne molestée venant d'un appartement voisin.
Drame psychologique, suspense lattent, thriller parano et fantastique diaphane se télescopent afin de mieux jongler avec une intrigue à tiroirs davantage en chute libre. Dans une ambiance anxiogène palpable renforcée par l'aigreur d'une photographie blafarde, Babycall nous illustre la douloureuse introspection mentale d'une mère de famille délibérée à protéger son fils d'un ex-mari tyrannique. En jouant la carte du suspense et d'un mystère interlope planant sur les frêles épaules de son héroïne principale, Babycall nous confronte à son cas de conscience noyé d'incertitude, faute de son esprit torturé, mais bien consciente qu'elle soit finalement tributaire de ses doutes et angoisses incontrôlées. Réfugiée dans la solitude d'un appartement restreint pour mieux préserver la fragilité de son fils, Anna va peu à peu se confronter à une série d'évènements inexpliqués et perdre pied avec la réalité ! C'est d'abord le babyphone préalablement acheté dans une boutique par un aimable commerçant qui émet en intermittence de violents cris d'enfant et de femme brutalisés. C'est ensuite la visite impromptue dans l'appartement d'un garçonnet étrange et taciturne, camarade influent de son fils. Ou encore le conducteur d'un camion réfugié sous le parking du HLM, transportant dans son coffre un semblant de cadavre empaqueté. Enfin, un assistant social un peu trop envahissant estime suspecter la jeune mère de manquer à sa responsabilité parentale pour interdire son bambin de rejoindre les classes de cours. Avec l'aide de son nouvel ami, l'employé commercial préalablement rencontré grâce à l'achat du babyphone, Anna envisage en désespoir de cause de le courtiser afin d'éviter que l'auxiliaire social ne lui retire la garde de son fils.
Malaise sous-jacent, lourd et diffus, ambiance schizophrène et florilège d'éléments contradictoires sont habilement distillés pour nous entraîner vers un drame funèbre profondément intime.
Reposant sur les épaules chétives de Noomi Rapace, l'actrice déploie tout son potentiel dramatique à illustrer le profil versatile d'une mère désemparée, obstinée à sauvegarder l'existence de son enfant, auparavant victime d'un traumatisme inaltérable. Son comportement terriblement introverti et refoulé, son regard craintif empli d'angoisse et sa perplexité à ne plus savoir dissocier la part de réalité et de fantasme nous désarme impitoyablement de sa solitude meurtrie.
Baignant dans un perpétuel climat angoissant émanant de l'esprit tourmenté d'une jeune femme démunie de détresse maternelle, Babycall est un drame susceptible, transcendé par le talent épuré de Noomi Rapace. Retranscrit avec intelligence et sensibilité dans une réalisation entièrement allouée à la caractérisation de ses personnages névrosés, cette oeuvre réfrigérante décuple son pouvoir émotionnel par la rédemption d'un épilogue aussi inopiné que rebutant.