par BRUNO MATEI » 10 Décembre 2011, 08:14
AUX FRONTIERES DE L'AUBE
Titre d'origine: Near Dark
Réalisatrice: Kathryn Bigelow.
Année: 1987.
Origine: U.S.A.
Durée: 1h38.
Distribution: Adrian Pasdar, Jenny Wright, Lance Henriksen, Bill Paxton, Jenette Goldstein, Tim Thomerson, Joshua John Miller, Marcie Leeds, Kenny Call, Ed Corbett.
Sortie en salles en France le 9 Novembre 1988. U.S: 2 Octobre 1987
Distinctions: Licorne d'Or et Prix d'interprétation féminine pour Jenny Wright au festival du Rex de Paris en 1988.
Corbeau d'Argent au festival du film fantastique de Bruxelles en 1988.
FILMOGRAPHIE: Kathryn Bigelow est une réalisatrice et scénariste américaine, née le 27 Novembre 1951 à San Carlos, Californie (Etats-Unis).
1982: The Loveless (co-réalisé avec Monty Montgomery)
1987: Aux Frontières de l'Aube.
1990: Blue Steel.
1991: Point Break
1995: Strange Days
2000: Le Poids de l'eau
2002: K19
2009: Démineurs
2012: Kill Bin Laden
En 1987, une jeune réalisatrice novice va tenter d'apporter un sang neuf à la mythologie vampirique dans Near Dark. Un titre on ne peut mieux approprié tant il retransmet à merveille la divinité de la nuit quand une famille de nomades y sont tributaires jusqu'à la fin des temps. Récompensé de la Licorne d'or, du prix d'interprétation féminine (Robin Wright) au Rex à Paris et du Corbeau d'Argent au festival de Bruxelles, ce western moderne puise sa force dans sa poésie crépusculaire et son romantisme éperdu.
Caleb, un jeune homme sans histoire rencontre une nuit d'été une jeune fille, Mae, dans une contrée bucolique de l'Arizona. Le couple profite de l'obscurité de la nuit pour s'isoler dans la campagne adjacente et s'enlacer de manière attendrie. Après qu'ils se soient embrassés, l'étrangère décide de le mordre au cou pour le contaminer de sa condition d'immortelle. Après que Caleb ait subi d'intenses malaises corporels, il décide de rejoindre Mae et sa famille de noctambules composés de Jesse, le patriarche, son amie Diamondback, leur comparse Severen et un petit garçon, Homer.
Réalisatrice aujourd'hui reconnue et célébrée par les amateurs comme une spécialiste du cinéma d'action moderne, Kathryn Bigelow livre avec sa première réalisation une oeuvre gracile désenchantée au pouvoir d'envoûtement hypnotique. Scandé par le tempo musical enivrant de Tangerine Dream, ce voyage au bout de la nuit est avant tout une initiation à la lumière de la pénombre. Dans une photographie limpide transcendant l'opacité d'une nature ténébreuse, Near Dark est un hymne lascif à la plénitude de cette obscurité. A travers l'errance nocturne d'une bande de marginaux corrompus par leur condition de vampire (bien que le terme ne soit à aucun moment employé par l'un des protagonistes), la réalisatrice nous dépeint leurs exactions entreprises pour la soif de survie. Alors que le couple formé par Jesse et Diamondback se révèle fusionnel et que Severen compense son ennui dans leurs virées meurtrières aux abords de pubs mal fréquentés (inoubliable séquence de carnage dans un saloon champêtre chorégraphiée sur un air de country !), la jeune Mae éprouve une inlassable amertume à ne pouvoir concrétiser une relation romanesque. C'est en rencontrant caleb, jeune fermier un peu dragueur qu'elle décide de choisir l'amant idéal et ainsi réconforter la tare de sa solitude. L'adolescent Homer emprisonné dans un corps d'enfant depuis sa conversion attache autant de hâte à daigner rencontrer l'âme soeur jusqu'au jour où il établit la rencontre impromptue de la petite soeur de Caleb.
Cette tribu de marginaux au look de cow-boys rustres se contente de perpétrer depuis des siècles leurs méfaits meurtriers à travers les contrées reculées des Etats-Unis. En toute insouciance de leur désintérêt pour les notions de bien et de mal, nos créatures de la nuit se complaisent dans la débauche d'une violence outrancière par la faute de leur condition d'immortels inébranlables. Mais avec l'arrivée d'un apprenti mordu par sa nouvelle maîtresse Mae, Caleb se révèle incapable d'accepter l'immoralité d'un fardeau aussi tendancieux pour la mort prescrite à d'innocents quidams. L'équipée licencieuse va donc lentement se dissocier par la faute de conflits amoureux compromis entre Mae et Caleb, mais aussi Homer, en l'occurrence épris d'affection pour la petite Sarah.
Si Near Dark continue aujourd'hui d'exacerber son pouvoir immersif de fascination, c'est dans le nouveau profil établi à ces vampires contemporains en quête nonchalante d'idylle amoureuse.
Avec une poésie suave sublimant la contemplation épanouissante de la nuit et des effets-spéciaux minimalistes mais très efficaces (effets majestueux de ralenti sur les corps de vampires subitement enflammés au contact de la lueur du jour ou du soleil), ce portrait transgressif de tueurs inexorables est largement épaulé par la prestance inné de ces comédiens. C'est de prime abord Jenny Wright qui illumine l'écran de sa présence lascive et mélancolique dans sa requête amoureuse insatiable. Adrian Pasdar réussit avec sobriété à nous convaincre de son statut de vampire, esclave d'une hiérarchie familiale, contraint de subir une existence asociale pour le compte de cette communauté subversive. Bill Paxton en marginal erratique et mégalomane excelle dans ses méfaits sanguinaires putanesques. Tandis que Lance Henriksen livre sans doute son meilleur rôle dans celui du patriarche autoritaire, ancien baroudeur de la guerre de sécession, mais aujourd'hui flegmatique de sa situation conjugale assouvie. Enfin, Joshua John Miller volerait presque la vedette à tous ces aînés tant il retransmet à merveille sa condition infortunée d'adolescent importun, rancunier d'une solitude de plus en plus rebutante.
La Nuit nous appartient
D'une beauté formelle saisissante dans l'errance nocturne d'une bande de vampires cyniques et impertinents mais désabusés d'un romantisme éperdu, Near Dark est un hymne à la beauté occulte de leur nuit taciturne. Avec la complicité délétère d'une poignée d'anti-héros discrédités par leur profil misanthrope et d'une partition musicale collant aux images épurées d'une nature étrangement exaltante, Near Dark est la plus belle épopée romanesque de vampires de l'ouest jamais inscrite sur pellicule.
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