L'AUTRE

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L'AUTRE

Messagepar BRUNO MATEI » 29 Novembre 2012, 07:47

Titre d'Origine: The Other
Réalisateur: Robert Mulligan
Année: 1972
Origine: U.S.A
Durée: 1h40
Distribution: Uta Hagen, Diana Muldaur, Chris Udvanoky, Martin Udvanoky, Norma Connolly, Victor French, Loretta Leversee, Lou Frizzell.

Sortie salles U.S: 23 Mai 1972.

Récompense: Prix du Meilleur Réalisateur au Festival de Catalogne en 1972

FILMOGRAPHIE: Robert Mulligan est un réalisateur américain, né le 23 Août 1925 à New-York, décédé le 20 Décembre 2008 à Lyme, Connecticut.
1957: Prisonnier de la peur. 1960: Les pièges de Broadway. 1961: Le Rendez-vous de Septembre. 1961: Le Roi des Imposteurs. 1962: l'Homme de Bornéo. 1962: Du Silence et des Ombres. 1963: Une Certaine Rencontre. 1964: Le Sillage de la Violence. 1965: Daisy Clover. 1967: Escalier Interdit. 1969: l'Homme Sauvage. 1971: Un Eté 42. 1971: The Pursuit of Happiness. 1972: l'Autre. 1974: Nickel Ride. 1978: Les Chaines du sang. 1978: Même heure l'année prochaine. 1982: Kiss me Goodbye. 1988: Le Secret de Clara. 1991: Un Eté en Louisiane.

ATTENTION ! IL EST PREFERABLE D'AVOIR VU LE FILM AVANT DE LIRE CE QUI VA SUIVRE !

Pierre angulaire du fantastique suggestif autant qu'une oeuvre maudite du fait de sa rareté éhontée, l'Autre est une descente aux enfers vertigineuse au coeur du psyché d'une innocence schizophrène. D'après le roman de Tom Tryon, l'argument fantastique alloué à la fragilité infantile fait intervenir d'une manière sensitive et psychologique les thèmes du dédoublement de personnalité, de la hantise et de la possession avec une intensité dramatique terriblement éprouvante.

Véritable drame familial auquel une dynastie est confrontée à une série de morts tragiques sous une nature solaire étrangement édénique, l'Autre est l'introspection délicate d'un jeune garçon candide, perturbé par la mort de son père et de son frère jumeau. Terrifié à l'idée de mourir et apeuré par sa solitude, Niles s'imagine dans son esprit torturé que son binôme Holand est toujours en vie afin de se rassurer. Mais l'esprit machiavélique de son frère, mort dans une circonstance accidentelle, réussit à provoquer chez Niles un dédoublement de personnalité afin de le contraindre à perpétrer des incidents meurtriers.
Ce scénario sombre et tortueux rehausse l'intrigue diaphane avec le rapport étroit entretenu entre l'enfant et sa grand-mère. En effet, afin de rendre moins douloureuse l'épreuve du deuil, l'aïeule lui aura inculqué un jeu d'identification et de concentration auquel Niles doit s'infiltrer de manière sensorielle à travers l'esprit d'un être humain ou d'un animal. C'est par l'illusion de ce jeu de simulacre que Niles va peu à peu perdre pied avec la réalité et ainsi matérialiser l'apparence corporelle d'Holand.

La dimension psychologique impartie à l'inconscience d'un gamin perturbé est d'autant plus douloureuse à supporter qu'elle touche à sa propre candeur. Cette étude de caractère d'un enfant traumatisé par le deuil et angoissé par la mort nous ait illustré d'une manière prude mais aussi profondément macabre. Le climat lourd et dépressif résultant des contrariétés de la grand-mère et des tourments de Niles rendent l'atmosphère davantage feutrée au fil d'une série d'incidents meurtriers que l'enfant va provoquer sous l'allégeance de son double. En prime, le climat anxiogène qui émaille toute l'intrigue est notamment accentué par l'attitude esseulée d'une veuve maternelle remplie de mélancolie. Incapable de supporter le deuil de deux êtres chers, cette maman introvertie mais débordante d'amour pour sa dernière progéniture va finalement se replier dans un mutisme incurable après avoir découvert avec désarroi la pathologie schizophrène de Niles.
Son point d'orgue traumatisant culmine son apothéose dans une découverte macabre proprement innommable auquel personne n'en sortira indemne. D'autant plus que la dernière image glaçante nous achève par son nihilisme diabolique. On essaiera alors en désespoir de cause d'élucider de notre mémoire deux questions restées en suspens ! Niles était-il réellement possédé/hanté par l'esprit indocile de son frère, ou n'était ce que le fruit de son imagination perturbée par le "jeu" spirituel d'Ada et l'injustice de la mort ?

Clef de voûte du fantastique moderne au scénario délétère et à l'intensité dramatique malsaine, l'oeuvre de Mulligan est notamment absorbée par les interprétations habitées des binômes Chris et Martin Udvarnoky. Littéralement possédés par leur prestance bicéphale, les deux comédiens réussissent autant à provoquer un effroi tangible qu'une empathie désespérée. Leur jeu naturel d'une prestance aussi angélique que démoniaque hante à elle seule la pellicule d'un cinéaste voué à nous éprouver de manière psychologique et suggérée. Traumatisant et inoxydable !

L'avis de mon ami Killjoy:
Très peu prolixe dans le cinéma d'outre Atlantique, Robert Mulligan signe avec "The Other" un véritable chef d'oeuvre du cinéma fantastique contemporain...
Un scénario d'une originalité totale, sans redondances ni esbroufes...
Aucun effet gore n'est à déplorer dans le métrage !
Un climat malsain s'intègre parfaitement prenant le contre-pied de l'environnement et de l'innocence des protagonistes qui y végètent, en l'occurrence de simples et frêles pré adolescents qui ne demandent qu'à vivre et aimer la vie !
L'astuce de Mulligan consiste à faire virer crescendo son intrigue avec une révélation imparable et glaçante au bout d'une heure de projection !
Puis il fait tout partir en live pendant la dernière demie heure !
Dans la lignée de "Psychose" réalisé douze ans avant, voire même un petit côté "Carnival of souls" mais se démarquant par une mise en scène affûtée aux limites de l'onirisme, matinée de la plus grande schizophrénie pour le personnage principal !
"The other" est un film culotté et carrément révolutionnaire qui fera date dans le genre !
Avec des séquences sorties de nulle part, notamment cette virée dans une fête foraine avec les "monstres", ou ce plan aérien où Nels s'imagine être un corbeau survolant le village !
Mulligan ne recule devant aucun stratagème pour augmenter la terreur chez le spectateur, jusqu'à un final apocalyptique à la fois immoral et sans "happy end" !
Très bien joué et excellemment mis en scène, "The other" est à marquer d'une pierre blanche, film rare et précieux, il se doit d'être vu par tout cinéphile fantasticophile !
Note : 10/10 (pour l'originalité du scénario et l'intelligence du traitement de ce dernier)
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BRUNO MATEI
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