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Creed de Ryan Cooder, 2015

MessagePosté: 31 Décembre 2015, 07:24
par BRUNO MATEI
Réalisateur: Ryan Coogler
Année: 2015
Durée: 2h13
Origine: U.S.A.
Distribution: Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tony Bellew, Andre Ward, Tessa Thompson, Phylicia Rashād, Graham McTavish, Wood Harris.

Sortie salles France : 13 janvier 2016. U.S: 25 Novembre 2015

FILMOGRAPHIE: Ryan Coogler est un réalisateur et scénariste américain, né le 23 Mai 1986 à Oakland, Californie. 2013: Fruitvale Station. 2015: Creed

Spin-off de la saga Rocky dirigé par Ryan Coogler, cinéaste en herbe révélé par une première oeuvre dramatique lardée de récompenses (Fruitvale Station), Creed entreprend clairement de relancer la franchise par le biais d'une passation de pouvoir. Rocky ayant décidé in extremis d'entraîner le fils d'Appolo Creed, Adonis Johnson, afin de lui disputer un championnat du monde. Privé d'un père qu'il n'a jamais connu depuis sa naissance, c'est du côté de son coach qu'il décide de se rapprocher au moment même de parfaire communément un entraînement stoïque. Ce pitch simpliste surfant sur le même schéma que la saga Rocky avait de quoi laisser perplexe quant à la sincérité du projet, quand bien même durant sa première heure l'intrigue laisse peu de place à l'émotion parmi son air de déjà vu. A savoir l'idylle naissante d'Adonis avec sa voisine de palier, le recueillement de Rocky auprès de ses fidèles défunts (Adrian et Pauly), leur entrainement sportif et le match de compétition (même si successivement vite expédiés). Néanmoins, le soin imparti à la réalisation se réfutant à grossir le trait de la caricature parvient tout de même se détacher de la trivialité, notamment grâce au naturel des comédiens impliqués dans la sobriété d'une cohésion familiale.

C'est donc lors de sa seconde partie que Creed va prendre son envol à renfort de dramaturgie improvisée et d'émotion lyrique comme avaient su dignement les transcender Rocky 1 et 6. Sans jamais trahir l'esprit de la saga, Ryan Coogler s'efforce de mettre en exergue la nouvelle ascension de ce jeune boxer de couleur noire (au passage, joli témoignage de tolérance pour mettre en valeur sa communauté) particulièrement impulsif depuis son enfance difficile. Là où le film parvient doucement mais surement à insuffler de l'empathie émane des rapports père/fils qu'entretiennent tendrement Adonis et Rocky, quand bien même Stallone impose sa nouvelle présence avec une vérité humaine bouleversante. La gueule burinée de rides dans une posture inévitablement atone et le corps empâté, l'acteur se fond dans une peau sclérosée avec pudeur et fragilité par ses instants de remords, de conscience meurtrie et de remise en question. D'ailleurs, certaines séquences intimistes dont je tairais tout indice resteront à jamais gravées dans notre mémoire comme le souligne sa déchirante conclusion faisant écho à la nostalgie d'un temps révolu. Empruntant les thématiques de la vieillesse et de la maladie sans appui de sinistrose sentimentale, Ryan Coogler fait donc naître une émotion candide, notamment face au témoignage juvénile du jeune boxeur avide de revanche mais aussi de compassion pour son maître. Par le biais de leurs étroits rapports confrontés au même problème d'éthique, à savoir la volonté de se battre pour vaincre l'échec, Creed cultive une dimension humaine pleine d'humilité pour ces thèmes alloués autour de la fraternité, la romance, l'amour parental, la loyauté, l'espoir, le pardon, mais aussi la peur de l'échec et de la mort. Inévitablement compromis à la règle du sens du spectacle, Ryan Coogler parvient lors du point d'orgue à transfigurer un combat homérique au réalisme documenté alors que son score musical (Bill Conti himself) surenchérit l'acuité émotionnelle lorsque Creed tentera de toute sa hargne à vaincre son adversaire ! L'énergie foudroyante qui émane de leur pugilat, la sobre chorégraphie des affrontements et la réalisation aussi consciencieuse qu'inventive nourrissent une puissance dramatique en crescendo renouant avec les plus beaux corps à corps de la saga Rocky !

En abordant les thèmes de l'absence paternelle et de la maladie autour de la compétition de la boxe, Creed parvient à se hisser au niveau de Rocky 1 et 6 sous l'impulsion d'un orphelin black en quête identitaire et sous l'autorité de son mentor destiné à s'éclipser au profit de la nouvelle génération. Riche en émotions lors de sa seconde partie, Creed parvient donc à réinterpréter l'histoire pour s'imposer comme digne successeur de l'héritage Balboa dans son intégrité de dépeindre la nouvelle gestation d'un héros davantage attachant au fil de sa constance initiatique. Quant à l'icone que caractérise le dinosaure Stallone, il livre là l'un des plus beaux rôles de sa carrière dans sa fonction pudique d'acteur vieillissant dont certaines séquences tireront les larmes aux plus sensibles. Hymne à la vie, à la nostalgie du temps et à l'amitié, une oeuvre magnifique rattrapée par l'incandescence de son évolution dramatique sous le brio d'un metteur en scène autonome inscrit dans la maturité.