Page 1 sur 1

L'Antéchrist d'Alberto De Martino, 1974

MessagePosté: 02 Mars 2016, 07:16
par BRUNO MATEI
Titre d'Origine: "L'Anticristo"
Réalisateur: Alberto De Martino
Année: 1974
Origine: Italie
Durée: 1h51 (version intégrale)
Distribution: Carla Gravina, Mel Ferrer, Arthur Kennedy, George Coulouris, Alida Valli.

Sortie salles Italie: 22 Novembre 1974. France: Sans doute en 1975 en Province.

FILMOGRAPHIE PARTIELLE: Alberto De Martino (né le 12 juin 1929 à Rome) est un réalisateur italien. Il utilise parfois le pseudonyme de Martin Herbert.
1963 : Persée l'invincible. 1963 : La Maison de la terreur.1964 : Le Triomphe d'Hercule .1964 : Les Sept invincibles. 1966 : Django tire le premier. 1967 : Opération frère Cadet. 1968 : Rome comme Chicago. 1969 : Perversion. 1972 : Le Nouveau boss de la mafia. 1974 : L'Antéchrist. 1977 : Holocauste 2000.

Hit video des années 80 sous la bannière notoire de VIP, l'Antéchrist constitue la réponse transalpine à l'Exorciste de Friedkin réalisé un an au préalable. Façonné par Alberto De Martino, habile artisan du cinéma d'exploitation comme le prouvera notamment son excellente déclinaison de la Malédiction, Holocaust 2000, l'Antéchrist renaît aujourd'hui de sa torpeur grâce à sa sortie Dvd supervisée par le Chat qui fume. Considéré comme le meilleur ersatz des films de possession, ce petit classique du B movie préserve son charme fascinatoire grâce à sa facture latine qu'Alberto De martino s'efforce de transfigurer par le biais d'une scénographie baroque oscillant monuments historiques (la région de Rome) et sculptures ornementales (la résidence bourgeoise de la famille d'Ippolita). Sublimant la ville à l'instar d'une visite touristique où plane une ombre malfaisante et les superstitions de pénitents, l'Antéchrist est également illuminé par la prestance écorchée de Carla Gravina. Littéralement habitée par ses pulsions perverses, l'actrice se réapproprie honorablement des clichés du genre (sa métamorphose physique impartie aux jets de bave verdâtre et yeux révulsés) grâce à sa caractérisation humaniste en chute libre. Alberto De Martino prenant soin dans sa première partie de nous décrire son cheminement spirituel vers Satan après une séance d'hypnose. Durant cette expérience, son passé parvient à lui remémorer le rituel d'un sabbat perpétré sous l'autorité d'une secte satanique ainsi que sa condamnation au bûcher décrétée par des apôtres religieux. Ippolita étant soumise dans sa vie antérieure à s'initier à la sorcellerie avant de se reconvertir en dernier ressort à Dieu.

Outre le soin stylisé de ces séquence fantasmagoriques chargées d'éclairages bleutés, Martino réussit à transcender une répulsion tangible par le pouvoir de suggestion. Je songe évidemment à la première séquence, celle anthologique du léchage d'anus d'une chèvre qu'Ippolita mime langoureusement en pleine séance d'hypnose. Un moment lubrique d'une audace inouïe car illustrant sous l'égide du Mal une préliminaire assumée de zoophilie ! Mais au-delà de l'aspect horrifico-sexuel de ses séquences-chocs que la seconde partie va largement exploiter par le principe d'exorcismes à répétition (répliques ordurières à l'appui !), l'Antéchrist cultive la fascination grâce à sa densité narrative décrivant consciencieusement le profil galvaudé d'une célibataire aigrie. Perturbée par la tragédie de son accident qui lui valu son impotence paraplégique et par la mort de sa mère, hantée par le remord d'une liaison incestueuse potentiellement échangée avec son frère, Ippolita jalouse également l'infidélité de son père épris d'une nouvelle maîtresse. Seule et désemparée dans sa solitude, elle tente dans un premier temps de se repentir auprès d'une madone avant que Satan n'y habite son corps. Ce qui nous vaut un prologue d'un réalisme documenté assez saisissant lorsque des pénitents conjurent l'absolution dans une posture erratique. Ces éléments de frustration concupiscente soulignant la lente dégénérescence d'Ippolita vont parvenir à crédibiliser son futur cas de possession, notamment grâce à la sobriété des personnages secondaires que des acteurs reconnus (ou familiers du ciné Bis) vont solidement endosser. On peut également souligner l'intensité dramatique de son final rédempteur lorsque Ippolita tente de renouer (comme dans sa vie antécédente) avec le pardon divin sous une ondée nocturne. Les scores musicaux orchestrés à l'orgue par Ennio Morricone et Bruno Nicolai renforçant le caractère élégiaque de la situation.

Exploitant avec souci de véracité et d'esthétisme baroque un nouveau cas de possession préalablement inégalée par Friedkin, Alberto De Martino parvient honorablement à s'extraire du second degré (si on fait fi de quelques FX cheap aujourd'hui obsolètes) grâce à la maîtrise de sa réalisation et le tempérament furibond de la troublante Carla Gravina. Un classique du Bis estampillé latin par ses audaces visuelles, son aura démoniaque et sa dramaturgie diaphane.