Page 1 sur 1

L'Au-delà de Lucio Fulci, 1981

MessagePosté: 19 Septembre 2015, 07:09
par BRUNO MATEI
Titre d'Origine: E tu vivrai nel terrore - L'aldilà
Réalisateur: Lucio Fulci
Année: 1981
Origine: Italie
Durée: 1h27
Distribution: Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Antoine Saint-John, Veronica Lazar, Anthony Flees, Giovanni De Nava, Al Cliver.

Sortie salles France: 14 Octobre 1981. Italie: 29 Avril 1981. Interdit aux - de 18 ans lors de sa sortie.

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Lucio Fulci est un réalisateur, scénariste et acteur italien, né le 17 juin 1927 à Rome où il est mort le 13 mars 1996. 1966: Le Temps du Massacre, 1969 : Liens d'amour et de sang , 1971 : Carole, 1971: Le Venin de la peur,1972 : La Longue Nuit de l'exorcisme, 1974 : Le Retour de Croc Blanc, 1975: 4 de l'Apocalypse, 1976: Croc Blanc, 1977 : L'Emmurée vivante, 1979: l'Enfer des Zombies, 1980 : la Guerre des Gangs, 1980 : Frayeurs, 1981 : Le Chat noir, 1981 : L'Au-delà, 1981 : La Maison près du cimetière , 1982 : L'Éventreur de New York , 1984 : 2072, les mercenaires du futur, Murder Rock, 1986 : Le Miel du diable , 1987 : Aenigma, 1988 : Quando Alice ruppe lo specchio, 1988 : les Fantomes de Sodome, 1990 : Un chat dans le cerveau, 1990 : Demonia, 1991 : Voix Profondes, 1991 : la Porte du Silence..

Spectacle paroxystique (enchanteur oserais-je dire pour les inconditionnels !) de poésie morbide autour d'une scénographie gothique aussi ensorcelante qu'anxiogène (l'hôtel bucolique de la Nouvelle-Orléans et ses chambres poussiéreuses), L'Au-delà est entré au fil des décennies au panthéon du genre alors qu'à sa sortie il fut souvent dénigré à tort comme une vulgaire série B à la violence aussi gratuite qu'obscène. Revoir pour la énième fois ce mastodonte putrescent sans jamais se lasser de son impact visuel (intensité renforcée des maquillages hallucinés de Giannetto De Rossi !), sensoriel (l'impact olfactif de nos cadavres purulents !) et auditif (Fabio Frizzi se déchaînant à composer un contrepoint musical tantôt lancinant, tantôt mélodique !), prouve à quel point Lucio Fulci était un génie passé maître dans l'art de rationaliser notre peur intrinsèque, la hantise de la mort et de sa putréfaction corporelle.

Cette angoisse du néant, ce rapport viscéral au trépas, cette effluve nauséabonde émanant de cadavres décrépits ou de corps fraîchement torturés, l'Au-delà l'inscrit sur pellicule rubigineuse (photo sépia de Sergio Salvati à l'appui !) par le biais d'une caméra chirurgicale auscultant les plaies déchiquetées de l'agonie humaine. Si l'intrigue simpliste, voir incohérente diront certains, n'est qu'un prétexte à étaler à intervalle régulier des mises à mort d'anthologie jamais vues au préalable (même la séquence des araignées parfois décriée pour la facture mécanique d'une ou deux figurines parvient miraculeusement à nous transir d'émoi !), Lucio Fulci parvient à la transcender grâce à la symétrie d'une mise en scène étonnement stylisée (on peut prôner par exemple la mémorable fantasmagorie routière lorsque Emilie et son berger allemand se figent au milieu d'une chaussée sans destination !). Ou comment également réussir l'exploit de transfigurer les pires sévices crapoteux grâce à la beauté sulfureuse d'une poésie mortifère dédiée au spectacle pestilentiel (inoubliable supplice du bain d'acide consumant délicatement le visage d'une veuve avant de laisser écouler sur le sol une mousse crémeuse d'un rouge pastel !). Hymne effronté à la cruauté organique (le martyr christique de Schweick transgresse la morale d'une justice dépravée !), cantique à la mort mais aussi à la plénitude du repos éternel (voir l'épilogue fantasmatique décrivant avec une sidérante poésie picturale la vision du néant, représentation graphique du tableau de Schweick !), sarabande infernale de zombies en ascension (leur déambulation iconique au sein de l'hôpital provoque un malaise pétrifiant) auquel l'enfer entrouvre l'une de ses portes pour laisser libre court aux rituels meurtriers, l'Au-délà empoisonne ses personnages sous l'impulsion d'une entité fétide tout en les confrontant avec des phénomènes surnaturels nonsensiques ! La fresque du peintre (métaphore de l'enfer !) n'étant finalement que la prémonition de ces suppliciés que Fulci nous matérialise avec une fulgurance sépulcrale.

L'Etrange couleur des larmes de ton corps
En dépit de la superficialité des dialogues et d'une direction d'acteurs perfectibles que leur charisme inquiétant parvient malgré tout à rehausser, l'Au-delà réussit l'exploit de nous parfaire le plus beau poème morbide jamais inscrit sur pellicule. Ou à l'instar de l'opéra gracile Suspiria et à travers la splendeur du néant, comment ornementer les pires sévices du châtiment humain par le biais d'une féerie macabre et d'un climat funèbre aussi évocateur que lyrique ! Envoûtant, angoissant et effrayant (Emilie entourée d'un quatuor de zombies gutturaux en interne de son salon, le plombier surgissant de la baignoire pour énucléer la domestique !), l'Au-delà est également sublimé par la présence suave de Catriona MacColl avec l'influence symbolique d'une non-voyante échappée de l'enfer.