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Anthropohagous de Joe D'Amato, 1980

MessagePosté: 15 Juillet 2014, 06:40
par BRUNO MATEI
Titre original Anthropophagus
Réalisateur: Joe d'Amato
Origine: Italie
Année: 1980
Durée: 1h35
Distribution: Tisa Farrow, Saverio Vallone, Serena Grandi, Margaret Donnelly, Mark Bodin, Bob Larsen, Rubina Rey, Simone Baker, Mark Logan, George Eastman, Zora Kerova...

Sortie salle France: 20 janvier 1982, Etats-Unis: 23 octobre 1981

FILMOGRAPHIE SELECTIVE: Joe d'Amato (né Aristide Massaccesi le 15 décembre 1936 à Rome, mort le 23 janvier 1999) est un réalisateur et scénariste italien.
1977 : Emanuelle in America, 1977 : Viol sous les tropiques, 1979: Buio Omega (Blue Holocaust), 1980: Anthropophagous, La Nuit Erotique des morts-vivants, Porno Holocaust, 1981: Horrible, 1982: 2020, Texas Gladiator, Caligula, la véritable histoire, Ator l'invincible, 1983: Le Gladiateur du futur.

D'Amato Ketchup, le Heinz Spaghetti !
En 1979, Joe D’Amato créé sa propre société, Filmirage, et se lance dans la production d’un métrage à faible budget, Anthropophagous, tourné en 16mm avant que l’image ne soit gonflée en 35 pour son exploitation ciné. Pour l'élaboration du scénario, il se partage la paternité avec son acteur premier, George Eastman (de son vrai nom Luigi Montefiori). Le film arrive en France le 20 Janvier 1982, soit deux ans après sa sortie italienne, provoquant autant la stupeur chez le spectateur qu'un tollé d'injures de la part des critiques bigotes. Son exploitation lucrative en Vhs va notamment renforcer son aura de scandale, un peu à la manière de son homologue, Cannibal Holocaust ! Débarqués sur un archipel, un groupe de jeunes touristes ont fort à faire avec un dangereux maniaque adepte du cannibalisme !

Réputé pour être l'un des films les plus choquants des années 80, Anthropophagous doit essentiellement sa réputation hardcore grâce à deux séquences particulièrement incongrues. L'arrachage d'un foetus humain du ventre de sa mère que l'anthropophage dévore à pleine dent, et l'éventration de ce dernier, perforé à coup de pioche, abrégeant ses souffrances en se mastiquant les intestins ! Du délire à l'état pur ! D'où la fameuse accroche publicitaire de l'époque: l'homme qui se mange lui-même ! Avec des moyens réduits, un pitch linéaire et la présence de comédiens au jeu limité (même si Georges Eastman et Tisa Farrow s'avèrent plus convaincants !), Joe D'Amato mise donc ses espoirs sur une ambiance funèbre prédominante par le biais de décors peu rassurants. A l'image de ces foyers blafards renfermant parfois des cadavres décrépis derrière une chambre secrète, d'une forêt clairsemée dénuée de toute vie animale, d'une sépulture nocturne ou de cette cave auquel une aveugle s'était enfouie dans un tonneau. Quand au repère du tueur, il se confine sous un monument en ruine, dans le sous-sol abritant un charnier d'ossements humains et de corps putréfiés. Afin de renforcer ce climat funèbre, la partition musicale dissonante, alternant sons électroniques et concert d'orgue, insuffle bien ce sentiment d'inquiétude et malsain qui environne les alentours de l'île. On peut donc dire qu'au niveau de l'atmosphère anxiogène, D'Amato ne laisse pas indifférent quand bien même l'attrait minimaliste et grotesque de l'intrigue accentue son caractère ludique. En gros, six touristes jouent à cache-cache avec un demeuré cannibale dans les foyers silencieux de l'archipel avant de pouvoir trouver refuge dans sa propre maison logée par sa soeur. En guise de flash-back explicatif, le réalisateur nous donnera d'ailleurs un bref aperçu sur les circonstances tragiques qui avaient entraîné cet homme vers la folie.

En provocateur sans vergogne, Joe D'Amato n'éprouve donc aucun complexe à illustrer vulgairement des effets chocs simples mais efficaces en abusant de zooms pour insister sur les chairs mutilées. Mais son film, aussi sanglant soit-il par moments, n'est pas non plus un étalage de gore récurrent, le réalisateur misant plutôt sur l'étrangeté d'un climat solaire (toute l'action se déroulant quasiment de jour !) et la notion latente de suspense. A l'instar des rares apparitions du tueur mutique endossé par Georges Eastman, rôle taillé sur mesure dans sa stature imposante. Avec son visage lépreux suant l'odeur fétide et ces accès de folie engendrée par le cannibalisme, sa présence monstrueuse ne passe pas inaperçue et peut même aussi évoquer l'ogre des bois que l'on aime se raconter autour d'un feu ou dans les contes de fée.

L'homme qui se mange lui même !!!
Aussi bricolé et maladroit, Anthropophagous séduit néanmoins par son ton irrévérencieux et surtout l'agencement d'un climat ombrageux distillant la fascination. La présence terrifiante de George Eastman, l'ambiance putride qui émane des décors touristiques et ses effets gores décadents concourent de transcender un produit Z en perle de déviance. Une bisserie transalpine infaisable de nos jours comme seuls ces italiens dévoyés avaient le secret.